Nouveaux OGM
Santé Canada abdique devant la pression des lobbys
Jeudi 19 mai, Sutton - Plus d’une centaine de groupes de consommateur.ice.s, d'environnementalistes et d'agriculteur.ice.s (1) à travers le Canada dénoncent l'annonce faite hier par Santé Canada sur l’évaluation des nouveaux OGM. Les compagnies de biotechnologies (OGM et pesticides) peuvent maintenant mettre sur le marché de nombreux nouveaux aliments génétiquement modifiés (GM), sans aucune surveillance gouvernementale.
En vertu des nouvelles directives réglementaires, Santé Canada a retiré son autorité sur la réglementation des nouveaux aliments GM développés à l'aide de techniques de l’édition du génome, laissant plutôt ces évaluations d’innocuité aux développeurs de ces produits.
Sans ce pouvoir, Santé Canada n’est donc plus en mesure de connaître l’ensemble des aliments GM mis sur le marché.
Jean-Yves Duclos, Ministre de la Santé
« C’est un dangereux précédent que vient de franchir Santé Canada en répondant aux demandes de l’industrie des OGM et des pesticides de s’autoréglementer », dénonce Thibault Rehn, coordinateur de Vigilance OGM. « Plus aucune transparence possible dans un système déjà opaque. Cette absence de transparence vient miner davantage la confiance des citoyen.ne.s dans le système d’évaluation »
SANTÉ CANADA RÉINVENTE LE CONCEPT DE TRANSPARENCE
Ces nouvelles orientations réglementaires mettent en place “une Initiative de transparence volontaire (ITV)” qui “vise à accroître la transparence et à sensibiliser le public aux produits dérivés de plantes génétiquement modifiées” écrit Santé Canada (2). Santé Canada mise donc sur la bonne foi de l’industrie de l’agrochimie pour l’informer des produits GM, considérés comme “non-nouveaux”, qu'elle mettra sur le marché.
« Dans quel monde vit Santé Canada pour nous parler de transparence volontaire ? La transparence doit être obligatoire, ce n’est pas une option laissée au bon vouloir de l’industrie qui depuis des années fait preuve d’un manque flagrant de transparence », déclare M Rehn.
En plus de n’être toujours pas étiquetés, comme c’est le cas depuis 25 ans, ces nouveaux produits GM ne feront l'objet d'aucun contrôle de sécurité indépendant de la part du gouvernement.
SANTÉ CANADA ABDIQUE DEVANT LES LOBBYS
Lors des consultations menées du 25 mars au 24 mai 2021, Santé Canada a reçu plus de 4 600 commentaires, comme en témoigne le "Rapport sur ce que nous avons entendu" (3). La majorité de ces commentaires indiquent de grandes inquiétudes entre autres envers : la transparence, l’absence d’évaluation, les risques d’une porte ouverte à plus d’OGM et donc plus de pesticides associés. Des inquiétudes, qui n'ont pas été prises en considération par le gouvernement. Au contraire, les nouvelles orientations réglementaires s’avèrent être une sorte de copier-coller des demandes de changements poussées par l’industrie de l’agrochimie depuis des années. Le mois dernier, les lobbys des OGM et des pesticides (Croplife, Corteva, Canada Grains Council) ont rencontré et échangé avec Santé Canada afin d’”Encourager Santé Canada à publier ses nouvelles orientations réglementaires sur les produits de la sélection végétale.’’ (4)
« L’analyse de la liste des réunions et correspondance depuis 18 mois démontre l’intense lobbying qui a fait abdiquer Santé Canada », déplore M. Rehn. « Le gouvernement devrait toujours prioriser l'intérêt collectif au lieu des intérêts corporatifs. »
UNE GRANDE MENACE POUR L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE
Suite aux consultations de 2021, Québec Bio a aussi lancé une pétition visant à protéger l’intégrité des aliments biologiques au regard des OGM. À ce jour, elle comporte déjà plus de 12 300 signatures. Comment surveiller les contaminations potentielles, quand personne ne sera capable de connaître l’étendue exacte de ces OGM ? Ces contaminations seront très dommageables pour les agriculteur.ice.s biologiques, mais aussi pour les agriculteur.ice.s conventionnel.le.s qui se mobilisent depuis plusieurs mois déjà via l’Union Nationale des Fermiers.
Rappelons qu’après 25 ans d’expérience de cultures GM au Canada, 100 % des plantes ensemencées sont génétiquement modifiées pour tolérer un ou plusieurs herbicides, dont principalement des herbicides à base de glyphosate (HBG) comme le Roundup. Le modèle agricole, poussé par les cultures GM, rend donc notre agriculture dépendante des pesticides et affaiblit l’autonomie des agriculteurs face aux multinationales.
On attend sous peu la décision de l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui étudie une proposition similaire, visant à autoriser la mise sur le marché de nombreuses semences génétiquement modifiées sans que le gouvernement évalue leurs impacts et sans avertissement obligatoire au préalable.
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