dicamba les dérives

Dicamba

les dérives du système

| Publié le
dicamba dérive du sytème

Récit d’une catastrophe cachée


Quand je suis tombé sur cet article de The Guardian datant de fin mars, je suis resté abasourdi par le récit d’une catastrophe caché par les firmes Monsanto et BASF. Catastrophe liée à l’utilisation de cultures génétiquement modifiées (GM) tolérant au dicamba aux États-Unis. Cet article d’investigation se base sur les documents internes de l’entreprise Monsanto, les fameux Monsanto papers, déclassifiés par la justice américaine et rendus publics en 2017. Ces milliers de documents révèlent comment cette compagnie utilise sans scrupule des stratégies afin de cacher la toxicité de ses produits par tous les moyens possibles. 
Vous trouverez ci-dessous une mise en contexte adapté à notre système agricole au Québec, malheureusement proche des États-Unis, puis une traduction libre de l’article paru en anglais qui vous fera grincer des dents - j’en suis sûr. Voici la recette d’une catastrophe annoncée aux États-Unis et... que l’on peut encore freiner au Québec.

Le dicamba c’est quoi ?


On entend souvent parler des pesticides à base de glyphosate, dont le Roundup fait partie. Ces types d’herbicides sont les plus utilisés dans le monde et au Québec représentant 39 % des ventes totales en 2018 (1). Ces herbicides sont majoritairement utilisés sur les cultures génétiquement modifiées. En Amérique du Nord, on utilise depuis 1996 ces cultures GM tolérantes au glyphosate, on a donc vu apparaître des « mauvaises herbes » résistantes au glyphosate dès 1998. Aujourd’hui, c’est plus de 18 qui sont répertoriées (2). Devant, cette réalité anticipée par de nombreux agronomes et une efficacité du glyphosate qui s’effrite année après année, les compagnies comme  Monsanto avaient en vue une  solution profitable! En effet , elles ont mis sur le marché des cultures GM de maïs et de soya, non plus tolérantes uniquement au glyphosate, mais aussi au dicamba ou au 2,4 D. Une mise en place d’un cercle vicieux savamment orchestré afin que l’on utilise toujours plus de pesticides - une « solution » très rentable pour les compagnies d'agrochimie. Actuellement, Bayer fait une demande pour l'approbation d’un maïs tolérant à douze pesticides, incroyable! 


Pour vendre ce système, ces compagnies ont dû jouer « dur » et pour eux, tous les coups étaient permis.

 

Ne rien laisser passer: "Let Nothing Go"


Les deux géants de l’agrochimie avaient mis en place une stratégie bien orchestrée qui est mise à jour dans cet article percutant de The Guardian. Il était reconnu que le dicamba était un herbicide qui avait la fâcheuse tendance à se volatiliser et se déposer dans les champs voisins, c’est-à-dire à se déplacer de sa zone de pulvérisation. Cette caractéristique allait entraîner d’après les deux compères, des dégâts importants sur les cultures voisines qui ne seraient pas génétiquement modifiées pour tolérer le dicamba. Qu’à cela ne tienne, les documents internes de la compagnie nous démontrent qu’ils avaient déjà anticipé les poursuites des agriculteurs impactés par les dérives. Cerise sur le gâteau : Monsanto et BASF avaient également vu les agriculteurs qui subiraient des dommages dus à la dérive comme de « nouveaux utilisateurs »! De plus, afin de s’assurer de la validation de leur nouveau produit, ces compagnies n’ont pas hésité à cacher certaines études et aussi mentir à l’Environmental Protection Agency (EPA).


RÉSULTAT: « Selon les estimations de l'industrie, plusieurs millions d'acres de cultures ont maintenant été endommagés par le dicamba. Et plus de 100 agriculteurs américains sont engagés dans un litige devant un tribunal fédéral, alléguant que la collaboration entre Monsanto et BASF a créé un système de culture « défectueux » qui a endommagé des vergers, des jardins et des champs de fermes biologiques et non biologiques dans plusieurs États. »

 

Victoire aux États-Unis

Le 3 juin dernier, un tribunal de première instance aux États-Unis a jugé illégal le pesticide dicamba de Bayer/Monsanto, citant les dommages sans précédent causés à des millions d'hectares par la dérive de ce dernier. L'avis de 56 pages a jugé illégal l'enregistrement de ce pesticide et d'autres produits connexes par l'administration Trump en 2018, et l'a rejeté. Plus de 12 millions de kg de dicamba devaient être pulvérisés à nouveau cet été en utilisant ces pesticides désormais illégaux. L'affaire concernait trois formulations du pesticide dicamba - XtendiMax de Monsanto, FeXapan de Corteva et Engenia de BASF - que l'EPA a d'abord enregistré pour la saison 2017 pour de « nouvelles utilisations » sur le soya et le coton génétiquement modifiés et résistants au dicamba de Monsanto.  La Cour a aussi reconnu de façon étonnante que ces utilisations du dicamba « déchirent le tissu social des communautés agricoles » en provoquant des conflits entre ceux qui pulvérisent le dicamba et ceux qui subissent des dommages dus à la dérive.  Les agriculteurs sont les premières victimes de ce modèle agricole destructeur.

spirale pesticides

Et au Québec


Fin 2017, le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) a détecté pour la première fois au Québec  une herbe tolérant le glyphosate : la moutarde des oiseaux.  Pas étonnant quand on sait qu’au Québec, plus de la moitié de nos champs sont ensemencés avec des cultures GM si on exclut le foin (3). En 2012, le Canada a été le premier pays, avant les États-Unis, à autoriser les cultures GM tolérantes au dicamba, mais c’est seulement en 2017 que les semences ont été rendus disponibles au Québec. Depuis, ces semences à multiples tolérances remplacent petit à petit les semences GM uniquement tolérantes au glyphosate. En 2020, c’est  60 % des semences de soya GM (4) qui étaient tolérantes à la fois au glyphosate et au dicamba.

Monsanto et BASF ont chacun développé leur propre version de dicamba à pulvériser sur le coton et le soya tolérant au dicamba. La version de Monsanto était « XtendiMax avec Vaporgrip » (où VaporGrip = substances supplémentaires dans l'XtendiMax qui sont censées réduire la volatilité) et celle de BASF s'appelait Engenia, ; les deux étaient censées être « peu volatils ». Ce sont ces formulations qui sont autorisées au Canada, qui ont fait des dégâts importants aux États-Unis et qui viennent donc d’y être interdites.

 

Les abeilles tombent comme des mouches 


Vous avez probablement entendu parler des millions d’abeilles qui sont mortes suite à une dérive de pesticides, au début du mois de juin, en Montérégie. Et bien, dans son entrevue accordée au 98,5 FM, Joël Laberge, apiculteur et propriétaire de la Miellerie St-Stanislas, parle de mélange de glyphosate et dicamba comme cocktail qui auraient tué ces ruchers. Voici un extrait de son témoignage:
« Toute la semaine passée, nous avons eu beaucoup d’arrosages dans les champs. Mais dans ce rucher-là, nous étions dans le champ quand, en l’espace de 15 minutes après l’arrosage dans le champ avoisinant, on a pu voir des pluies d’abeilles qui ont commencé à tomber à terre. Pas seulement des abeilles, des taons aussi. Avec des vents de 25-30 kilomètres avec les arrosages, ç’a intoxiqué le rucher. »


Les agriculteurs du Québec peuvent donc également s'attendre à subir des dégâts importants dus à la dérive dans un contexte de changements climatiques et de canicule au mois de mai, comme on vient de vivre. Rappelons que  le soya est le plus sensible à ces dérives, mais que les légumes et les arbres fruitiers sont également très vulnérables.


Regarder cette crise aux États-Unis sans rien faire au Québec serait comme regarder la crise du COVID en Italie sans prendre les mesures de précaution adéquate, c’est-à-dire confiner ces semences tolérantes au dicamba dans leurs sacs ! Il est possible d’arrêter le cercle vicieux des pesticides proposés par ces compagnies agrochimiques sans scrupules au détriment des agriculteurs qui sont les premières victimes de ce système. Le gouvernement fédéral doit arrêter l'introduction des cultures GM déjà approuvées qui tolèrent le dicamba. L’agence canadienne d’inspection des aliments doit aussi révoquer l’acceptation de ce type de cultures.

(1) Bilan des ventes de pesticides 2018 (lien)
(2) http://www.weedscience.org/Pages/ResistByActive.aspx
(3) Institut de la statistique du Québec et Statistique Canada, 2020, Superficie des grandes cultures, rendement à l'hectare et production, par regroupement de régions administratives, Québec, 2007-2019, (lien)
(4) Guide du soya 2020, bulletin des agriculteurs qui représentent les tendances du marché (lien)

 

Traduction libre de l’article du guardian

 

Le géant agricole américain Monsanto et le géant chimique allemand BASF savaient depuis des années que leur projet d'introduire un nouveau système de semences agricoles et de produits chimiques entraînerait probablement des dégâts dans de nombreuses exploitations agricoles américaines, selon des documents internes vus par The Guardian.
Les risques ont été minimisés, même s'ils ont planifié la manière de tirer profit des agriculteurs qui achèteraient les nouvelles semences de Monsanto juste pour éviter des dommages des pesticides sur leurs propres récoltes, selon des documents découverts lors du succès d’un récent procès de 265 millions de dollars intenté contre les deux entreprises par un agriculteur du Missouri.
Les documents, dont certains datent de plus de dix ans, révèlent également comment Monsanto s'est opposé à certains essais de produits par des tiers afin de limiter la production de données qui auraient pu inquiéter les autorités de règlementation.
Et dans certains des courriels internes, les employés semblent plaisanter sur le partage de la « science vaudou » et espèrent rester « hors de prison ».


OGM Dicamba : Le pacte secret entre Monsanto et BASF


Le nouveau système de culture développé par Monsanto et BASF a été conçu pour remédier au fait que des millions d'hectares de terres agricoles américaines sont envahis par des mauvaises herbes résistantes aux herbicides à base de glyphosate de Monsanto, mieux connus sous le nom de Roundup. La collaboration entre les deux sociétés s'est construite autour d'un herbicide différent appelé dicamba.
Dans le système Roundup, les agriculteurs pouvaient pulvériser des herbicides à base de glyphosate tels que le Roundup sur certaines cultures que Monsanto avait génétiquement modifiées pour survivre à la pulvérisation du pesticide. Ce système de culture « tolérant au glyphosate » a été populaire auprès des agriculteurs du monde entier, mais a conduit à une résistance à grande échelle des mauvaises herbes au glyphosate. Le nouveau système promu par Monsanto et BASF fournit également aux agriculteurs du soya et du coton génétiquement modifiés et tolérants au dicamba, qui peuvent être pulvérisés directement avec le dicamba. Les mauvaises herbes dans les champs meurent, mais pas les cultures.
Le dicamba est utilisé depuis les années 1960, mais il était traditionnellement utilisé avec parcimonie, et non sur les cultures, car il a la réputation de se volatiliser, c'est-à-dire de se déplacer loin de l'endroit où il est pulvérisé, en particulier pendant les mois chauds. En se déplaçant, il peut endommager ou tuer les plantes sur lesquelles il dérive.
Les entreprises ont annoncé en 2011 qu'elles collaboreront au développement de systèmes de culture tolérants au dicamba, s'accordant mutuellement des licences, BASF acceptant de fournir des produits formulés à base d'herbicides à base de dicamba à Monsanto.
Les entreprises ont déclaré qu'elles allaient fabriquer de nouvelles formulations de dicamba qui resteraient là où elles ont été pulvérisées et ne se volatiliseraient pas comme le feraient les anciennes versions du dicamba. Grâce à une bonne formation, des buses spéciales, des zones tampons et d'autres pratiques de « gestion », les entreprises ont assuré aux régulateurs et aux agriculteurs que le nouveau système permettrait de mettre sur le marché « de très bonnes formulations adaptées aux agriculteurs ».


Mais, lors de réunions privées remontant à 2009, des experts agricoles ont averti que le plan de développement d'un système tolérant au dicamba pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Les experts ont déclaré à Monsanto que les agriculteurs allaient probablement pulvériser d'anciennes versions volatiles de dicamba sur les nouvelles cultures tolérantes au dicamba et que même les nouvelles versions seraient probablement suffisamment volatiles pour passer des champs spéciaux de coton et de soya aux cultures d'autres exploitations.
Il est important de noter que dans le cadre du système conçu par Monsanto et BASF, seuls les agriculteurs qui achètent les semences de coton et de soya tolérant le dicamba de Monsanto seraient protégés des dommages causés par la dérive du dicamba. Les autres producteurs de coton et de soya ainsi que les agriculteurs qui cultivent tout, du blé aux pastèques, seraient menacés par la dérive du dicamba.


Comment Monsanto anticipe les problèmes ?


Selon un rapport préparé pour Monsanto en 2009 dans le cadre d'une consultation de l'industrie, un tel « mouvement hors cible » était attendu, ainsi que des « pertes de récoltes », des « poursuites judiciaires » et une « presse négative autour des pesticides ».
Un document datant de 2015 montre que les propres projections de Monsanto ont estimé que les demandes de dommages-intérêts pour le dicamba émanant des agriculteurs totaliseraient plus de 10 000 cas, dont 1 305 en 2016, 2 765 en 2017 et 3 259 en 2018.
 

tableau dicamba degats

Monsanto et BASF ont tous deux défendu leurs produits et leurs différents rôles dans la mise sur le marché du nouveau système de culture du dicamba. BASF a déclaré que le dicamba est sûr « lorsqu'il est utilisé correctement » et qu'il constitue un outil important pour les agriculteurs. Monsanto a déclaré que son herbicide XtendiMax dicamba, qui n'a été inventé qu'en 2012, a été « évalué de manière exhaustive » par l'Agence de protection de l'environnement (EPA) « et a déterminé qu'il ne présente aucun risque déraisonnable de mouvement hors cible lorsqu'il est utilisé conformément aux instructions de l'étiquette »

Selon les estimations de l'industrie, plusieurs millions d'acres de cultures ont maintenant été endommagés par le dicamba. Et plus de 100 agriculteurs américains sont engagés dans un litige devant un tribunal fédéral, alléguant que la collaboration entre Monsanto et BASF a créé un système de culture « défectueux » qui a endommagé des vergers, des jardins et des champs de fermes biologiques et non biologiques dans plusieurs États.


Le mois dernier, le premier procès sur les dommages causés par le dicamba s'est terminé par un verdict du jury de 265 millions de dollars contre Monsanto et BASF. Les documents examinés par The Guardian ont été obtenus par le cabinet d'avocats qui a gagné cette affaire, sur ordonnance du tribunal.

Désastre écologique 


Le jury a trouvé, au nom des producteurs de pêches du Missouri, Bill et Denise Bader, qui ont allégué que les actions des sociétés ont conduit à la dérive du dicamba qui a endommagé 30 000 pêchers, ruinant ainsi leur ferme familiale de 34 ans. Les actions des entreprises pour encourager la pulvérisation généralisée de dicamba sur de grandes surfaces ont créé un « désastre écologique "», a déclaré au jury l'avocat de Bader, Bill Randles.


BASF et le propriétaire allemand de Monsanto, Bayer AG, ont nié toute responsabilité et ont déclaré qu'ils prévoyaient de faire appel du verdict dans l'affaire du pêcheur. Leurs produits sont sûrs et efficaces lorsqu'ils sont utilisés correctement, affirment les deux entreprises. Le propriétaire de Monsanto, Bayer, fait également l'objet de milliers de poursuites judiciaires au motif que ses désherbants à base de glyphosate provoquent le cancer. Trois jurys ont jusqu'à présent conclu que le Roundup est cancérigène et que Monsanto a caché les risques.
Tout comme Monsanto l'a fait dans le litige du Roundup, Monsanto et BASF ont cherché à garder confidentiels la plupart des documents qu'ils ont remis dans le litige du dicamba. Environ 180 d'entre eux ont été descellés et ont été cités lors du procès Bader.


« Ces documents sont les pires que j'aie jamais vus pour une affaire sur laquelle j'ai travaillé », a déclaré l'avocate Angie Splittgerber, ancienne avocate de la défense de l'industrie du tabac qui travaille avec Randles dans le cabinet Randles & Splittgerber. « Tant d'entre eux ont mis par écrit des choses qui étaient tout simplement horribles. »


Profits avant tout


Bien qu'ils aient travaillé ensemble pour obtenir l'approbation réglementaire des graines de dicamba, Monsanto et BASF ont chacun développé leurs propres produits herbicides à base de dicamba à utiliser avec ces graines. Et bien que les semences aient été mises en circulation pour être plantées en 2016, les sociétés n'ont pas pu obtenir l'autorisation réglementaire pour commencer à vendre leurs nouveaux herbicides avant 2017.


Les universitaires étaient sceptiques quant au nouveau plan d'utilisation du dicamba par les entreprises dès le départ, mais ils se sont inquiétés davantage lorsque les semences tolérantes au dicamba ont été commercialisées avant les nouvelles formulations de dicamba. Comme les critiques l'avaient prédit, les agriculteurs qui ont acheté les nouvelles semences ont alors commencé à pulvériser leurs champs avec d'anciennes formulations de dicamba malgré les autocollants apposés sur les sacs de semences qui leur interdisaient de le faire.
 

Extrait : dans un courriel d'avril 2015, l'un des membres de l'équipe de Monsanto, chargé de la plate-forme sur les insectes, a écrit à ses collègues :
« Problèmes potentiels avec Xtend et les cultivateurs : confusion des champs, pulvérisation des mauvais champs, etc. Il a noté, apparemment en plaisantant, qu'il a travaillé avec un « groupe de renégats » pour « lancer une technologie sans étiquette et pense qu'un autocollant va nous éviter la prison ».
 

Les documents montrent que les deux entreprises étaient enthousiastes quant au potentiel de profit du nouveau système. BASF a prévu que son nouvel herbicide à base de dicamba serait une « marque de 400 millions de dollars en deux ans », avec des ventes d'ici mai 2017 dépassant 131 millions de dollars et un bénéfice brut de 45 %.


Les sociétés ont vu une partie de l'opportunité dans la vente aux producteurs de soya et de coton qui n'avaient pas besoin ou ne voulaient pas des cultures spéciales tolérantes au dicamba mais pouvaient être convaincus de les acheter comme moyen de protéger leurs cultures de la dérive du dicamba, comme le montrent les documents.


Cette stratégie a été notée dans de nombreux documents. Dans une mise à jour de la stratégie de BASF 2016, la société a noté que la « plantation défensive » était une « opportunité de marché potentielle ». Monsanto a également vu de « nouveaux utilisateurs » dans les agriculteurs qui ont subi des dommages dus à la dérive.


Dans un échange de courriels de novembre 2016, un distributeur de Monsanto a noté que « toutes les plaintes pour dommages dus à la dérive du dicamba » faisaient monter en flèche la demande de semences tolérantes au dicamba de Monsanto. La direction de Monsanto a répondu : « Nous avons plus de potentiel cette année que je n'en ai jamais vu depuis 09 pour le faire exploser ».
 

Extrait : dans un courriel de 2017, un représentant du développement technologique de Monsanto a déclaré à ses collègues
« Je pense que nous pouvons développer nos activités de manière significative et avoir un effet positif sur le résultat de 2017 si nous tendons la main à tous ces gens impactés par la dérive (du dicamba). La plupart de ces personnes étaient intéressées par la technologie et peuvent être ramenées à la neutralité en ce qui concerne les dommages affectant le rendement et, dans de nombreux cas, devenir de nouveaux utilisateurs. »
 

Dans sa déclaration au Guardian, Monsanto a nié qu'il avait prévu de cibler les victimes des dérives pour en faire de nouveaux utilisateurs. The Guardian a demandé à Monsanto de commenter les avertissements de 2009 selon lesquels son projet de développer un système de culture du dicamba pourrait endommager les exploitations agricoles. Monsanto a déclaré que c'était faux et qu'il soutenait son système. La société a déclaré qu'elle prenait « la responsabilité de la gestion très au sérieux lors de l'introduction de toute nouvelle technologie ».


Éviter les tests 


Une série de courriels montre les efforts de Monsanto pour bloquer certains tests indépendants effectués par des universitaires sur les nouveaux herbicides à base de dicamba de la société, en partie par crainte que des tests extérieurs ne perturbent les efforts de la société pour obtenir l'approbation du produit par l'EPA.
L'agence était consciente des inquiétudes liées à la volatilité et Monsanto cherchait à convaincre l'EPA que ces inquiétudes n'étaient pas fondées.

Extrait : en février 2015, Tina Bhakta, responsable de l'expansion mondiale de la chimie de Monsanto, a écrit à ses collègues :
« Vous êtes tous au courant des choses que l'EPA a entendu de la part des universitaires au niveau de l'État... Avec un tel impact au niveau fédéral, notre direction a décidé de retirer certains de ces essais académiques avec les formulations Xtend et Xtendimax afin de s'assurer que ces formulations restent « propres ».


Extrait : en mars 2015, Jeff Travers, expert en désherbage de Monsanto, a écrit :
« Le dicamba est actuellement très surveillé par l'EPA, en raison de recherches menées par des tiers dans les domaines de la dérive et de la volatilité des pulvérisations. C'est pourquoi la direction des services juridiques et réglementaires a pris des mesures pour empêcher le déplacement du dicamba hors du site pendant que l'EPA examine les données que nous lui soumettons. Cela inclut un moratoire sur les tests de notre formulation principale qui contient la technologie VaporGrip. Nous ne pouvons pas laisser le dicamba dériver sur les champs de nos voisins, en raison de l'attention négative qui pourrait en résulter ».


Deux mois plus tard, en avril 2015, Robert Montgomery de Monsanto, qui travaillait dans le développement technologique au Tennessee, a écrit à ses collègues qu'un malherbologiste de l'Université de l'Arkansas avait demandé si Monsanto fournirait « quelques millilitres » de son herbicide à base de dicamba formulé par Xtend pour que les universitaires puissent le tester. Montgomery a déclaré que le malherbologiste s'était fait dire que Monsanto « ne testait pas la formulation cette année en raison de la difficulté à produire des quantités qui permettraient des tests plus larges ».
Joseph Sandbrink, responsable du développement technologique de Monsanto, a répondu : « Hahaha. Difficulté à produire suffisamment de produit pour les essais sur le terrain. Hahaha conneries ».
Dans sa déclaration, Monsanto a déclaré qu'il avait « facilité un certain nombre de tests par des tiers » avant et après les approbations de l'EPA.


Monsanto a ajouté que les courriels dans lesquels des personnes utilisaient occasionnellement « la sténographie ou des expressions familières » avaient été « triés sur le volet » par les avocats lors du récent procès, ce qui « n'enlève rien au fait que les produits dont nous parlons ont été testés et approuvés (deux fois) de manière approfondie par l'EPA ».


Dicamba : la bombe à retardement qui a explosé 


Comme certains l'avaient prédit, les plaintes concernant les dommages causés par la dérive du dicamba ont augmenté après que Monsanto ait introduit ses nouvelles semences en 2016, et même après l'introduction des nouvelles formulations d'herbicides de Monsanto et de BASF en 2017, les plaintes concernant les mouvements hors cible du dicamba ont continué.


Extrait : un rapport de juillet 2016 d'un « spécialiste de l'innovation » de BASF noté :
« Il doit y avoir un énorme nuage de dicamba qui recouvre la bâche du Missouri. Cette bombe à retardement a enfin explosé ! L'ampleur des dégâts est massive ». Le rapport dit plus loin : « Les producteurs sont tous concernés par la question de la volatilité du dicamba qui s'est emparé de la région. »


Fin 2017, un fil de discussion de Monsanto faisait référence aux « dommages mur à mur que nous avons constaté ».
Le niveau élevé des dommages a conduit l'EPA à imposer de nouvelles restrictions sur l'utilisation des herbicides à base de dicamba en 2018, bien que l'agence ait prolongé l'enregistrement jusqu'au 20 décembre 2020. Monsanto, BASF et Corteva, qui commercialise également un produit à base de dicamba, espèrent que les enregistrements seront renouvelés.
En raison des craintes des agriculteurs que la dérive du dicamba ne contamine les parcelles de fruits et légumes, les documents internes montrent que Monsanto et BASF ont conçu un plan pour demander à l'EPA de permettre que certaines quantités de résidus de dicamba soient considérées comme légales dans des cultures telles que les tomates, les pommes de terre, les raisins et d'autres aliments susceptibles d'être accidentellement exposés à la pulvérisation de dicamba.
L'EPA a déclaré que depuis l'introduction des nouvelles semences de Monsanto, l'agence a reçu environ 1 851 rapports de dommages « majeurs » et 2 221 rapports de dommages « globaux », mais a averti que cela pourrait ne pas être un total.
« L'EPA prend très au sérieux les rapports de dommages aux cultures liés à l'utilisation du dicamba », a déclaré un porte-parole de l'EPA. Nous travaillons avec les États et les titulaires d'homologation pour mieux comprendre la question afin de pouvoir traiter le problème de la dérive illégale », a déclaré un porte-parole de l'EPA. Compte tenu des incidents qui ont été signalés, nous sommes en train de revoir les restrictions d'utilisation actuelles sur l'étiquette pour voir quels changements peuvent être apportés afin d'éviter des expositions non désirées ».


Randles, l'avocat de Bader, a déclaré que les agriculteurs s'inquiétaient de la poursuite des dégâts. « Le Dicamba est un problème qui aurait pu être géré », a-t-il déclaré. « Au lieu de cela, ils ont laissé le problème devenir une catastrophe. Ils ont mal géré le problème du début à la fin. »
« C'est un problème énorme », a déclaré Jack Geiger, un agriculteur biologique du Kansas, qui a affirmé que sa ferme de blé, de maïs et de soya a été touchée à plusieurs reprises par la dérive du dicamba. « Le dicamba va faire ressembler le Roundup à une problématique secondaire. »


BASF : le dicamba « est sans danger lorsqu'il est utilisé correctement »


Dans une déclaration, BASF a déclaré : « BASF estime que le dicamba est sans danger lorsqu'il est utilisé correctement en suivant les instructions de l'étiquette et les directives de gestion et qu'il constitue un outil important pour les agriculteurs qui luttent de plus en plus contre les mauvaises herbes résistantes ».


« BASF et Monsanto sont des entités différentes et toute tentative d'imputer à BASF un quelconque manquement de la part de Monsanto est totalement erronée. Lors du récent procès, le jury a décidé de condamner Monsanto à des dommages-intérêts punitifs, et non BASF. Pour toutes les raisons que BASF a expliqué au tribunal, BASF n'est pas d'accord avec le jugement du tribunal de première instance selon lequel BASF devrait être responsable de la conduite de Monsanto ».