4 - BIODIVERSITÉ : IMPACTS DES PESTICIDES
Un tiers de l’alimentation mondiale dépend des pollinisateurs. Une étude de l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture met de l'avant que la faune pollinisatrice est le facteur le plus déterminant des rendements agricoles. (1)
Cultures tolérantes aux herbicides
En vingt ans d’utilisation, les cultures tolérantes aux herbicides ont eu d’importants impacts sur la biodiversité. Ceux-ci découlent largement de l’expansion des monocultures de même que de l’augmentation de l’utilisation de certains herbicides. Les différents herbicides ont des conséquences variées sur la biodiversité en fonction de leurs propriétés, de leur taux d’application et de leurs modalités d’utilisation. Dans l’ensemble toutefois, les cultures tolérantes aux herbicides ont favorisé une utilisation d’herbicides qui amenuisent la biodiversité végétale au sein des systèmes agricoles. Par conséquent, ce phénomène peut limiter le nombre d’habitats et de sources d’alimentation pour divers organismes vivants utiles tels que les abeilles et certaines espèces de papillons.
Les populations de monarques en Amérique du Nord ont décliné de 90% au cours des vingt dernières années.
L’une des principales raisons du déclin prononcé du monarque réside dans la diminution des peuplements d’asclépiades, notamment sur son territoire de reproduction dans la zone de culture de maïs (Corn Belt) aux États-Unis, où l’utilisation de glyphosate sur les cultures tolérantes aux herbicides et leurs environs est fréquente. (2) La réduction de l’habitat du monarque empêche cette espèce de se reproduire. Le glyphosate compte parmi les quelques herbicides capables de tuer l’asclépiade commune. Plusieurs études montrent aussi que l’exposition chez certains vertébrés à des doses 50 à 1540 fois inférieurs à celles utilisées dans les cultures de soya transgénique peut entraîner des malformations. (3)
Cultures résistantes aux insectes
Les plantes résistantes aux insectes ne sont pas seulement toxiques pour les insectes ciblés, mais aussi pour des insectes non ciblés. Il a été démontré qu’une exposition prolongée au pollen de maïs Bt affectait le comportement (4) et la survie (5) du papillon monarque. (6, 7, 8, 9) Il a aussi été signalé, depuis longtemps, que les pesticides peuvent avoir des répercussions négatives sur les colonies d’abeilles mellifères (10).
Cette impossibilité de limiter l'action toxique sur les insectes nuisibles peut affecter négativement des organismes bénéfiques. Par exemple, les plantes Bt sont néfastes (11) pour des insectes importants dans le contrôle naturel des ravageurs du maïs, comme les chrysopes vertes. (12, 13) Au Canada, comme ailleurs, l’évaluation des risques environnementaux des cultures Bt prend uniquement en compte la toxicité aiguë directe sans évaluer les effets sur les organismes situés plus haut dans la chaîne alimentaire,. Par exemple, les chrysopes vertes sont à risques en raison de la toxicité des cultures Bt à travers les proies dont elles se nourrissent. Le mode d’évaluation basé uniquement sur les risques directs a largement été critiqué, et beaucoup de scientifiques estiment que les impacts des cultures Bt nécessitent des études prenant compte de tous les niveaux de la chaîne alimentaire. (14, 15)
D’autre part, la toxine des plantes Bt est persistante dans l’environnement et est produite durant toute la durée de la saison de croissance. En plus des impacts de ce phénomène sur les sols et les organismes non ciblés, l’exposition prolongée des insectes à de fortes doses de Bt accroît le risque de les rendre résistants.
Cela a mené à l’apparition de «super insectes résistants».
Bien qu’aucun cas de résistance chez les insectes ravageurs n’ait été enregistré au Canada, l’expansion de ce phénomène aux États-Unis constitue une mise en garde. Des cas de résistance au Bt chez la chrysomèle des racines du maïs sont rapportés depuis 2009 au sein de la zone de culture de maïs (Corn Belt) aux États-Unis (16), et d’autres cas similaires sont maintenant observés dans d’autres zones de ce pays.
(1) L.A. Garibaldi. Mutually beneficial pollinator diversity and crop yield outcomes in small and large farms. Science. Vol. 351, January 22, 2016, p. 388. doi: 10.1126/science.aac.7287. (en ligne)
(2) Morandin, Lora A., and Mark L. Winston. 2005. Wild Bee Abundance and Seed Production in Conventional, Organic, and Genetically Modified Canola. Ecological Applications 15 (3): 871–81.
(3) Andrés Carrasco et al, Glyphosate-based herbicides produce teratogenic effects on vertebrates by impairing retinoic acid signaling. Chem Res Toxicol. 2010 Oct 18;23(10):1586-95.
(4) Prasifka, P.L., Hellmich, R.L., Prasifka, J.R. & Lewis, L.C. 2007. Effects of Cry1Ab-expressing corn anthers on the movement of monarch butterfly larvae. Environ Entomolology 36:228-33.
(5) Dively, G.P., Rose, R., Sears, M.K., Hellmich, R.L. Stanley-Horn, D.E. Calvin, D.D. Russo, J.M. & Anderson, P.L.. 2004. Effects on monarch butterfly larvae (Lepidoptera: Danaidae) after continuous exposure to Cry1Ab expressing corn during anthesis. Environmental Entomology 33: 1116-1125. (en ligne)
(6) Lang, A. & Vojtech, E. 2006. The effects of pollen consumption of transgenic Bt maize on the common swallowtail, Papilio machaon L. (Lepidoptera, Papilionidae). Basic and Applied Ecology 7: 296—306. (en ligne)
(7) Darvas, B., Lauber, E., Polga´r, L. A., Peregovits, L., Ronkay, L., Juracsek, J., et al. (2004). Nontarget effects of DK-440-BTY (Yieldgard) Bt-corn. First Hungarian–Taiwanese entomological symposium, 11–12 October 2004, Budapest Hungarian National History Museum (p. 5).
(8) Felke, V.M. & Langenbruch, G.A. 2003. Wirkung von Bt-Mais-Pollen auf Raupen des Tagpfauenauges im Laborversuch (Effect of Bt-maize-pollen on caterpillars of Inachis io in a laboratory assay). Gesunde Pflanzen, 55: 1-7.
(9) Felke, M., Lorenz, N. & Langenbruch, G-A. 2002. Laboratory studies on the effects of pollen from Bt-maize on larvae of some butterfly species. Journal of Applied Entomology 126: 320–325.
(10) Michaud, D. (2005). Impact environnemental des cultures transgéniques cultivées au Québec, Rapport final Projet PARDE o2-1 présenté au Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, Université Laval. (en ligne)
(11) Obrist, L.B., Dutton, A., Romeis, J. & Bigler, F. 2006. Biological activity of Cry1Ab toxin expressed by Bt maize following ingestion by herbivorous arthropods and exposure of the predator Chrysoperla carnea. BioControl 51: 31-48. (en ligne)
(12) Obrist, L.B., Dutton, A., Romeis, J. & Bigler, F. 2006. Biological activity of Cry1Ab toxin expressed by Bt maize following ingestion by herbivorous arthropods and exposure of the predator Chrysoperla carnea. BioControl 51: 31-48. (en ligne)
(13) Harwood, J.D., Wallin, W.G. & Obrycki, J.J. 2005. Uptake of Bt endotoxins by non-target herbivores and higher order arthropod predators: molecular evidence from a transgenic corn agroecosystem. Molecular Ecology 14: 2815-2823. (en ligne)
(14) Snow, A. A., Andow, D.A., Gepts, P., Hallerman, E. M., Power, A., Tiedje, J. M. & Wolfenbarger, L.L. 2005. Genetically engineered organisms and the environment: current status and recommendations. Ecological Applications, 15: 377–404. (en ligne)
(15) Andow, D.A. & A. Hilbeck. 2004. Science-based risk assessment for non-target effects of transgenic crops. Bioscience, 54: 637-649. (en ligne)
(16) Gassmann, Aaron J., Jennifer L. Petzold-Maxwell, Ryan S. Keweshan, and Mike W. Dunbar. 2011. Field-Evolved Resistance to Bt Maize by Western Corn Rootworm. PLoS ONE 6 (7): e22629.