1-Les solutions agricoles

Les solutions face à l’agriculture industrielle dépendante des pesticides existent. Il est important de rappeler qu’avant la révolution agricole des années 50, 100 % de la nourriture produite au Québec et ailleurs était biologique. Aujourd’hui l’agriculture biologique est un moyen fiable pour éviter la consommation d’OGM.

L’agriculture biologique recouvre potentiellement le plus large éventail de pratiques agricoles. La certification biologique exige de ne pas utiliser d’intrants, de produits phytosanitaires issus de la pétrochimie et de semences OGM. Les agriculteur·rice·s doivent aussi suivre un cahier des charges rigoureux, aussi bien pour l’élevage, que pour la production végétale.

Cependant, il existe des fermes biologiques à grande échelle, qui, à l’exception des intrants chimiques et des semences OGM, travaillent presque comme des agriculteur·rice·s «conventionnels»: beaucoup de travail du sol, très peu de biodiversité de cultures, beaucoup de mécanisation… C’est pour cela que certaines fermes préfèrent parler et pratiquer l’agroécologie. En effet, l’agroécologie a pour objectif de faire une agriculture plus soutenable en imitant les processus de la nature. L’approche agroécologique est conçue pour maximiser la biodiversité, recycler les nutriments et les ressources naturelles, développer la fertilité des sols et favoriser les interactions entre les espèces et le système agricole.

«L’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale avec un impact mineur sur l’environnement et la santé.» (1)

Selon le rapport Agriculture biologique et sécurité alimentaire de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) des Nations Unies, «l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale avec un impact mineur sur l’environnement». Nous n’avons donc pas besoin de perpétuer une agriculture productiviste qui épuise nos écosystèmes et nos ressources, tout en polluant notre environnement. (1)

(1) De Schutter,Olivier. 2010. Report submitted by the Special Rapporteur on the Right to Food. Accessed May 4, 2012. 

2- Qui nourrit le monde?

Le rapport sur l’état de l'insécurité alimentaire dans le monde (SOFI), publié conjointement en septembre 2017 par la FAO (1), estime que 815 millions de personnes souffraient de sous-alimentation chronique dans le monde en 2016, soit environ une personne sur neuf. Par ailleurs, ce rapport démontre qu'il y a eu une augmentation entre 2014 et 2016.

Au-delà de la sous-alimentation, il y a aussi la «faim invisible», souvent négligée, qui touche plus de 2 milliards d’individus (2). Cette forme de malnutrition survient lorsque l’apport et/ou l’absorption de vitamines, de minéraux et d'oligo-éléments (zinc, iode, fer, vitamines A et B) ne suffisent pas à assurer une bonne santé et un bon développement. Les effets de la faim se révèlent être «dévastateurs» à long terme: hausse de la mortalité maternelle et infantile, handicaps physiques, affaiblissement du système immunitaire et des facultés intellectuelles.

L’agriculture industrielle n’arrive clairement pas à satisfaire une alimentation saine et suffisante pour plus de 2 milliards d’habitants, soit plus d’une personne sur quatre.

Les cultures des petites productions agricoles, qui impliquent souvent des familles ou des femmes, sont la principale ou la seule source de nourriture pour plus de 70% de la population mondiale. (3) De plus, les producteur·rice·s cultivent avec moins de 25% des ressources en terre arable, en eau, ou en combustibles fossiles utilisés en agriculture. De l’autre côté du spectre, il y a ce que l’on peut appeler la chaîne de production industrielle allant de la production industrielle basée sur des intrants coûteux (pesticides, engrais, machinerie, transport) jusqu’à la distribution aux consommateur·rice·s, qui nourrit moins de 30 % de la population mondiale avec plus de 75 % des ressources. (3) Il ne faut pas oublier que cette chaîne de production contribue grandement aux gaz à effet de serre.

Les petits producteur·rice·s nourrissent 70% de la population mondiale avec moins de 25% des ressources disponibles. L’agriculture industrielle permet donc de nourrir seulement 30% de la population en utilisant 75% des ressources. Qui est le plus productif ?

L’agriculture industrielle a aussi des coûts sociétaux considérables: pollution des sols, impacts sur la santé des populations, participation aux changements climatiques. Ces coûts sont payés par l’ensemble des citoyen·ne·s et ne sont pas reflétés dans le prix des aliments produits. Certaines études montrent que pour chaque dollar dépensé dans une épicerie, la société paie 2$ pour les impacts néfastes de l’agriculture industrielle. (3)

Il est urgent de changer de paradigme en replaçant les paysan·ne·s au centre de la production agricole et ne laissant pas une poignée de compagnies contrôler notre système alimentaire. Les paysan·ne·s ont aussi la connaissance, l'énergie et les réseaux nécessaires pour répondre aux changements climatiques. Étant souvent les plus proches des personnes souffrant de malnutrition, ce sont aussi celles et ceux qui peuvent y répondre le plus facilement. (3)

(1) FAO, Rapport sur l’état de l'insécurité alimentaire dans le monde, 2017. (en ligne)
(2) Synthèse l’Indice de la faim dans le monde 2014: Le défi de la faim invisible, 2014. (en ligne)
(3) Who will feed Us? The pesant food web vs. The industrial food chain, ETC group , 3rd edition 2017. (en ligne)

3-Les producteur·rice·s de demain

Le métier d’agriculteur·rice·s est malheureusement très peu valorisé dans nos sociétés occidentales actuelles où l’on ne sait même plus qui produit les aliments qui se retrouvent dans notre assiette. Depuis plusieurs années, on constate aussi une diminution du nombre de fermes dans toutes les régions du Québec (1). Parallèlement, les inscriptions en agriculture biologique au Cégep de Victoriaville ont augmenté de 300% entre 2012 et 2016 (2), démontrant l’intérêt de la relève agricole pour un modèle davantage tourné vers une économie de proximité et respectueuse de l’environnement. Ainsi, de plus en plus d’agricultrice·rice·s se convertissent au bio, à la fois pour répondre à la demande qui est à la hausse, mais aussi parce que ce mode de production correspond davantage à leurs valeurs.

Cette relève n’a souvent pas envie de faire une agriculture exigeante en capital financier, qui nécessite un investissement massif de départ, mais plutôt une agriculture centrée sur l’humain et ses besoins. Cette agriculture de proximité demande un faible investissement de départ et permet de créer un environnement propice à l’innovation. Cette agriculture requiert souvent plus de main d’œuvre. Par conséquent, l’argent est donc investi davantage dans l’humain que dans les intrants chimiques, la machinerie et les bâtiments.

Cette agriculture donne plus de goût aux aliments que l’on mange et a plus de sens pour ceux qui la produise.  

Producteur·rice·s

Les membres de Vigilance OGM contribuent à ces alternatives en étant présents du champ à la ferme, de la ferme au marché ou du jardin à l’assiette. La Coopérative pour l'agriculture de proximité écologique (CAPÉ), qui regroupe des producteur·rice·s agricoles et a pour but de mettre de l'avant l'agriculture biologique et écologique opérée en circuits courts, connait un succès impressionnant ces dernières années. Le Réseau des fermier·ères de famille, que cette coopérative coordonne, permet à des agriculteur·rice·s de se lancer en production biologique et garantit l’accès à des consommateur·rice·s qui leur font confiance. Par ailleurs, il est possible de vous abonner à un panier de légumes biologiques auprès de l'une des fermes de ce réseau à partir de leur site internet.

Mise sur le marché

De nombreux marchés de solidarité sont aussi membres de Vigilance OGM comme celui de l’Estrie, de Waterloo ou de Brandon. Ces marchés permettent de dynamiser l’économie locale tout en donnant l’accès à une nourriture saine et abordable aux consommateur·rice·s. Des épiceries qui se spécialisent dans des produits biologiques sont récemment devenues membres de Vigilance OGM comme La Manne et La Moisson. L’association Manger Santé Bio fait, depuis plus de 20 ans, la promotion de ce type d’aliments et partage des valeurs communes avec Vigilance OGM.

Le réseau diversifié de Vigilance OGM fait partie de la solution

L’Union Paysanne, membre de notre organisme, essaie de construire une alternative syndicale aux agriculteur·rice·s du Québec depuis plus de 10 ans afin d’offrir une diversité de pratiques agricoles au Québec.

Protection de l’environnement

De nombreux groupes en environnement sont aussi membres de Vigilance OGM compte tenu de leurs préoccupations quant aux impacts des pesticides liés aux cultures OGM. La Fondation David Suzuki et Équiterre qui mènent une campagne sur les impacts sur la santé et sur l’environnement des pesticides nous appuient, tout comme des organismes tels que les AmiEs de la terre de Québec, Greenpeace, Nature Québec et le Conseil Régionale de l’environnement de l’Estrie.

(1) - Nombre « jamais vu » d’encans agricoles au Québec, 8 avril 2016, Radio-Canada. (en ligne)
(2) - L’intérêt pour l’agriculture explose au Cégep de Victoriaville, 19 mars 2016, Radio-Canada. (en ligne)

4 - La santé globale

Les sections sur les impacts des cultures génétiquement modifiés sur la santé et sur l’environnement démontrent l’étendue des dégâts dus principalement à la dépendance aux pesticides de l’agriculture intensive. Il est important de faire le parallèle entre notre environnement et notre santé. Il est indéniable que plus notre environnement contiendra des polluants en grande quantité, plus les impacts seront importants sur notre santé.  L’usage des pesticides est en hausse au Québec et leur présence augmente donc dans les sols, dans l’eau et dans les aliments.

L’agriculture biologique et l’agroécologie n’utilisant pas de pesticides de synthèse, contribuent à «dépolluer» notre environnement et notre corps. Ce type d’agriculture est donc à promouvoir et encourager de la part des citoyens et des gouvernements qui souffrent trop souvent de la volonté politique.

Remplaçons le cercle vicieux des pesticides par celui vertueux de l’agroécologie.

L’agriculture issue de la «révolution verte» basée sur les engrais et les pesticides fut une «révolution» basée en réalité sur la chimie. Il est temps de baser l’agriculture de demain sur la biologie. Il ne faut plus considérer les sols comme un simple substrat sur lequel poussent des plantes, mais comme un allié vivant qui permet d’obtenir des cultures en  bonne santé.

En arrêtant l’utilisation d’insecticides, qu’ils soient considérés comme «nuisibles» ou «bénéfiques», on dynamise la biodiversité qui est garante d’un certain équilibre écologique. La nature est en effet capable d’auto gestion puisque certains insectes se nourrissent de certains des ravageurs des cultures, c’est ce qu’on appelle la lutte intégrée en agriculture conventionnelle.

En couplant, l’agriculture biologique avec d’autres techniques agronomiques comme la rotation des cultures ou encore les polycultures et bien d’autres, on crée un écosystème agricole pouvant se passer plus facilement des intrants chimiques, tout en diminuant la charge de travail pour les agriculteurs.
 

5- Politique bioalimentaire au Québec

Dans le contexte actuel au Québec, il existe deux politiques particulièrement intéressantes pour Vigilance OGM soit la nouvelle politique bioalimentaire et la nouvelle stratégie Québécoise sur les pesticides. Vigilance OGM a participé à toutes les rencontres en vue de création de la politique bioalimentaire qui devrait être dévoilée ce printemps 2018. Même si notre demande principale était l’étiquetage obligatoire des OGM, nous avons aussi essayé d’orienter nos demandes pour que l’agriculture québécoise sorte de sa dépendance aux pesticides en favorisant la production biologique.

Manque de volonté politique

Le ministre de l’Agriculture M.Paradis avait annoncé, lors du lancement des consultations de la politique bioalimentaire, vouloir mettre en place l'étiquetage obligatoire des OGM au Québec à l’instar de 64 autres pays dans le monde. Le gouvernement semble encore une fois refuser la transparence aux citoyen·ne·s du Québec en n’imposant pas d’étiquetage sur les aliments contenant des OGM.

Pas d’étiquetage obligatoire des OGM et un plan de croissance peu ambitieux pour l’agriculture biologique dans la politique bioalimentaire du Québec.

Le marché des aliments biologiques constitue le secteur ayant la croissance la plus rapide à l’échelle mondiale. Selon l’Association canadienne pour le commerce des produits biologiques, le marché des produits biologiques au Canada a atteint 3,7 milliards de dollars en 2012 et sa valeur a triplé depuis 2006, ce qui surpasse la croissance des autres secteurs agroalimentaires (1). On s’attendait donc que la nouvelle politique accélère cette croissance tout en répondant aux attendes des consommateur·rice·s. Cependant même si le ministère de l’agriculture (MAPAQ) semble faire le même constat de croissance, leur objectif est de doubler la superficie des cultures biologiques au Québec soit passer de 2,4% en 2015 à 4,8% en 2025. L’ «ambitieux» plan du gouvernement vise 4,8 % dans 7 ans alors que de nombreux pays ont déjà dépassé la barre des 10 % en 2014 (Autriche: 19,4 %, Suède: 16,4 %, Italie: 10,7 % pour ne citer qu’eux) (2).

Il est difficile de ne pas y voir un manque de volonté de notre gouvernement qui peut en partie être expliqué par l’intense lobbying de l'industrie sur les gouvernements, constituant ainsi une menace à la démocratie.
Comme concluait le rapport de la rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à l’alimentation:
«Il faut une véritable volonté politique pour réévaluer et remettre en cause les intérêts corporatistes, les politiques incitatives et les relations de pouvoir qui maintiennent en place une agriculture industrielle étroitement tributaire de l’industrie agrochimique.» (3)

Pour une agriculture diversifiée

Au Québec, un monopole syndical exercé par l’Union des producteurs agricoles (UPA), un phénomène unique au monde, limite la liberté d’association en agriculture et ne permet pas aux différentes tendances ou conceptions d’avoir voix au chapitre. Sans le rapport de force que permet la pluralité syndical, la liberté de parole et la liberté d’association prévues par la Charte des droits et libertés perdent tout leur sens (4). Les règlements qui régissent l’agriculture au Québec ont permis de faire sortir de la pauvreté de nombreux agriculteur·rice·s québécois·ses. Cependant force est de constater qu’ils ne semblent plus être adaptés à la réalité ainsi qu'aux défis actuels et devraient, par conséquent, être plus flexibles.

La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois a rendu public son rapport le 12 février 2008, le Rapport Pronovost (5). Ce rapport fut le résultat d’une consultation historique au Québec dans laquelle plus de 700 rapports ont été déposés. Cependant les recommandations de ce rapport tardent à être mises en place par les gouvernements. Les solutions parfois très simples et peu coûteuses sont déjà connues, il suffit de les mettre en pratiques afin de permettre à l’agriculture biologique de se développer et de donner la possibilité aux jeunes qui souhaitent explorer de nouveaux modèles écologiquement et économiquement viables de s’investir dans cette agriculture.

(1) Canada’s organic market : national highlights 2013. Canada organic trade association, 2013. (en ligne)
(2) IFOAM , Organic Agriculture Worldwide, 2016.
(3) Rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, 24 janvier 2017, Conseil des droits de l’homme , A/HRC/34/48. 
(4) Briser le monopole syndicale, Perry Bisson , A babord, février /mars 2008. (en ligne)
(5) Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire, février 2008. (en ligne)

6 - La science derrière le bio

Dans le domaine agricole, la science et la recherche semblent parfois trop intimement reliées aux intérêts économiques et commerciaux de l’industrie, ce qui peut entrer en contradiction avec le bien-être collectif et la sécurité publique. (1)

En théorie, la recherche publique devrait répondre aux besoins de la société, de l’État, de la démocratie et de l’efficacité économique et s’articuler selon des soucis d’éthique, de vérité ou encore de « volonté de savoir » qui caractérisent la modernité. (2) Pourtant, en pratique, la logique marchande a vu son influence croître au cours des 25 dernières années, ce qui a modifié et entraîné des déséquilibres dans la dynamique de base de la recherche publique.

La tendance générale a été d’aligner les priorités de la recherche publique directement avec les intérêts économiques des entreprises. Il en résulte un besoin urgent de rétablir une science indépendante et désintéressée, qui pourra à la fois protéger la population des impacts négatifs des technologies émergentes et œuvrer pour un monde équitablement et durablement meilleur (1).

En science, les compagnies utilisent leur grand pouvoir financier pour semer le doute comme ce fut le cas avec le tabac, l’amiante ou les PCB. Nous devons apprendre de l’histoire.

Le pouvoir financier incroyable d’une poignée de compagnies de biotechnologies, qui orientent les données scientifiques en fonction de ses profits, vient aussi semer le doute sur toute la science et retarder des consensus qui font changer les politiques. Ce fût déjà le cas avec le tabac, l’amiante ou les PCB. Le cas des «Monsanto papers» démontre clairement comment une compagnie peut orchestrer une attaque méticuleuse envers la science.

Nos gouvernements doivent réinvestir dans la recherche scientifique au service de la santé et de l’environnement des citoyens et des citoyennes. Les gouvernements doivent aussi faire preuve de plus de transparence dans leur processus d’évaluation s’ils désirent regagner la confiance de la population.

(1) Dr. Mae-Wan HO, Science in Society, No. 26 (été 2005) « Call on European Commission to support Independent Science », p7.
(2) Éric Darier (1999), « Foucault and the Environment: an Introduction, » dans Éric Darier (Ed.) Discourses of the Environment. (Oxford: Blackwell), pp.: 1-34.