3- OGM: augmentation des coûts
Des rendements plus élevés ne procurent pas forcément des revenus plus élevés à l’agriculteur. Le revenu agricole dépend d’un ensemble de facteurs. C’est pourquoi la hausse des rendements au Canada ne s’est pas accompagnée d’une hausse équivalente du revenu agricole net. Dans le système alimentaire mondial actuel, les prix auxquels les agriculteur·rice·s vendent leurs produits dépendent souvent de leurs cours boursiers. Le prix des entrants, tel que les pesticides et les semences, est l'un des facteurs clés des revenus des agriculteur·rice·s.
Augmentation des pesticides
Les pesticides représentent un coût pour les agriculteur·rice·s et cette dépense est proportionnelle à leur utilisation. Sachant que 88 % des OGM commercialisés dans le monde ont pour principale caractéristique la tolérance à un herbicide dit «total», l’utilisation de ces derniers est donc nécessaire. (1) Au Québec, la vente de glyphosate, principal agent de la formule Roundup de Monsanto, a augmenté de 66 % entre 2006 et 2015 (2). On voit maintenant l’apparition de «super mauvaises herbes» qui posent des problèmes de gestion et entraînent des frais supplémentaires pour les agriculteur·rice·s. Les coûts de gestion des mauvaises herbes deviennent alors plus élevés lorsque leur contrôle nécessite l’utilisation de plus d’herbicides ou encore de combinaison d’herbicides.
C’est à la fois une perte de temps et d’argent pour les agriculteur·rice·s qui se retrouvent pris dans un cercle vicieux. En effet, ces «super mauvaises herbes» font aussi concurrence aux cultures et peuvent ainsi réduire les rendements en plus d’augmenter les coûts de la récolte. Celles qui résistent à plusieurs herbicides, ou qui se sont trop développées, peuvent être difficiles à contrôler même avec l’utilisation de mélanges d’herbicides – il faut parfois embaucher de la main-d’œuvre afin de réaliser un désherbage à la main, augmentant encore les coûts. Certaines mauvaises herbes vont même jusqu’à endommager la machinerie. (3)
Bien que prévisible, les entreprises de biotechnologies ont toujours nié la potentielle manifestation de «super mauvaises herbes». Depuis leur apparition, ces mêmes compagnies inculpent la responsabilité aux agriculteur·rice·s en affirmant qu’ils ne suivent pas adéquatement les instructions d’utilisation.
Augmentation du prix des semences
Le coût des semences au Canada augmente de façon constante et constitue une part importante des frais agricoles. En 1981, le coût des semences représentait 2,5 % du total des frais (4). En 2014, il atteignait 4,6 % et les prix continuent de grimper.
Le coût des semences GM brevetées a grimpé beaucoup plus vite que celui des semences non GM.
La pratique des agriculteur·rice·s de conserver des stocks de semences peut aider à contrôler leurs prix. Si le prix des semences commerciales augmente trop vite ou devient trop élevé, l’agriculteur·rice peut utiliser ses propres semences pour amortir le choc. Cependant, il ne peut pas garder et ressemer les semences de cultures GM, car les compagnies semencières possèdent des droits exclusifs sur l’utilisation de semences modifiées avec leur séquence génétique brevetée. Cela signifie que l’agriculteur·rice se voit dans l’obligation d’acheter des semences chaque année, augmentant ainsi ses dépenses, si les compagnies semencières décident de hausser, chaque année, le prix de leurs semences.
Au Québec, en regardant la moyenne des prix de l'année 2016-2017, on constate que les semences de soya sont 50% plus chères que les Non-GM, et 46% plus chères dans le cas du maïs. Leurs prix augmentent aussi plus vite. En effet, au Québec, de 2011 à 2017 le prix des semences GM de soya a augmenté de 23,5% tandis que celui des autres semences de soya a augmenté de 20,6%. Durant la même période, le prix des semences de maïs GM a augmenté de 16,5% tandis que celui des autres semences de maïs a diminué de 1,5%. (5)
Augmentation des coûts de santé des animaux
À la base, le glyphosate a été breveté comme un chélateur de métaux. Cette fonction agirait à deux niveaux. Dans un premier temps, il prive les plantes de minéraux essentiels en les immobilisant dans le sol. Par conséquent, les animaux qui se nourrissent de ces plantes sont à leur tour déficients en minéraux. Dans un deuxième temps, le glyphosate pénètre les organismes des animaux à travers les résidus que contiennent les cultures OGM. Il séquestre les minéraux et les oligoéléments circulant dans l’organisme, ce qui provoque une encore plus grande déficience minérale pour les animaux. (6)
Les plantes GM qui possèdent un taux résiduel de glyphosate élevé sont majoritairement destinées à l’alimentation animale. Les agriculteur·rice·s vont donc nourrir leurs bétails avec des plantes carencées qui vont entraîner des problématiques de santé. La déficience en manganèse pendant la gestation provoque des malformations du fœtus et des avortements spontanés ou des naissances de petits mort-nés. (7)
De nombreuses bactéries qui sont importantes pour le processus digestif de la vache sont affectées par le glyphosate, ce qui diminue leur immunité et augmente donc le besoin de médicaments. (8) Aux États-Unis le Dairy Cattle Reproduction Council (Conseil de reproduction des vaches laitières) s’inquiète des pertes économiques que cela engendre puisque 30% des vaches sont abattues chaque année, principalement en raison de troubles de reproduction, dont 8,5 à 10% sont des vaches laitières. (9)
(1) James, C. (2017). Global Status of Commercialized Biotech/GM Crops: 2016, ISAAA brief No. 52. International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA): Ithaca, NY. (en ligne)
(2) Rapport des ventes des pesticides Québec, Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). (en ligne)
(3) Les limites d’un herbicide. La semaine verte, Saison 2016, Épisode 3. 16 janvier 2016. (en ligne)
(4) National Farmers Union. 2013. The price of patented seed – the value of farm saved seed. Union Farmer Newsletter 61. March.
(5) Données du centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ), consulté en février 2018.
(6) Le Roundup face à ses juges, Marie Monique Robin, Ecosociété, 2018, p 161-16.
(7) Propos du vétérinaire Art Dunham, Le Roundup face à ses juges, Marie Monique Robin, Ecosociété, 2018, p 145.
(8) Glyphosate suppresses the antagonistic effect of Enterococcus spp. On Clostridium botulinum, Monika Krüger, Anaerobe, vol 20 , avril 2013, p 74-78. (en ligne)
(9) Elvira B, Dairy Cattle Fertility & Sterility Hoard’s Dairyman, Fort Atkinson, 2011, p 5.