REPRISE DES CONSULTATIONS
Santé Canada propose 200 fois plus de fludioxonil
Montréal, le 27 juillet - Après une « pause » de deux ans sur l’augmentation des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides sur nos aliments, c'est la reprise.
La première consultation en lien avec les augmentations de LMR de Santé Canada concerne le fludioxonil et propose une hausse de 200 fois la précédente (1).
Cette consultation fait suite à la demande de Syngenta, le plus gros producteur de pesticides au monde et le principal fabricant du fludioxonil.
Annoncée le 20 juin dernier par le ministre de la Santé, M. Jean-Yves Duclos, accompagné de la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Mme Marie-Claude Bibeau et du ministre de l’Environnement et du Changement Climatique, M. Steven Guilbeault (2), la reprise aura été rapide.
En date du 27 juin, la première est lancée.
Une impression de déjà-vu
Pour rappel, quelques semaines avant les élections, en 2021, le gouvernement libéral avait décrété une « pause » sur l’augmentation des LMR (3) suite à l’emballement médiatique survenu autour des consultations concernant le glyphosate. Dans la foulée, le grand public avait appris que ces demandes émanaient directement des vendeurs de pesticides (4). Deux compagnies avaient été pointées du doigt à l’époque, Bayer sur le glyphosate et Syngenta sur le métalaxyl et le sulfoxaflore.
Aujourd’hui, c’est au tour du fludioxonil sur les racines de betteraves sucrières. La LMR actuelle, fixée en 2008, est de 0,02 ppm : Santé Canada propose de l'augmenter à 4 ppm (5). Selon le ministère, cette augmentation aurait pour but « d'aligner la LMR actuelle du Canada [...] avec celle des États-Unis d'Amérique (É.-U.) Cela a été fait pour que les racines de betterave à sucre ou tout produit alimentaire transformé dérivé des racines de betterave à sucre pouvant contenir des résidus de fludioxonil puissent être importés et vendus au Canada » (6). Les produits alimentaires dérivés de ce type de betteraves sont nombreux puisqu’elles sont utilisées pour faire du sucre, qui se retrouve dans bon nombre produits transformés.
« On se demande ce que retient le gouvernement fédéral de la crise que nous avons connue il y a deux ans », se questionne Laure Mabileau, responsable de la campagne Sortir du glyphosate pour Vigilance OGM. « Dans le fond, rien n’a vraiment changé : les vendeurs de pesticides demandent, Santé Canada s’exécute.»
Depuis le scandale de 2021, Santé Canada travaille à devenir plus transparent. Malgré des améliorations, des manquements se font toujours ressentir. Par exemple, aucune référence à des études scientifiques n’est associée aux « données toxicologiques » sur lesquelles Santé Canada affirme avoir validé sa proposition : « aucun effet aigu ou à court terme sur la santé n'a été observé à partir des données toxicologiques sur le fludioxonil » (6).
« Encore une fois, Santé Canada fait passer les intérêts financiers des entreprises avant la protection de la santé des Canadiens et des Canadiennes », s’exclame Mme Mabileau. « Le symbole est fort : ce ne sont pas les agriculteurs qui demandent, mais les vendeurs de pesticides eux-mêmes. Leur objectif à long terme est bien de pouvoir vendre plus de leurs produits. »
Réformer Santé Canada
La semaine dernière, c’est la démission de M. Lanphear du comité scientifique de l’ARLA (Agence réglementaire de la lutte antiparasitaire) qui faisait les manchettes (7). Ce comité scientifique avait été mis en place à la suite du même scandale. Dans sa lettre de démission, il déclarait avec courage et éthique que « [...] nous ne pouvons plus continuer à compter sur un système de réglementation obsolète qui protège l'industrie des pesticides plus qu'elle ne protège les Canadiens » ; appelant à une réforme profonde de Santé Canada. Contactée par Radio-Canada, la coprésidente du comité, Valérie Langlois, professeure titulaire à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), assure ne pas vouloir démissionner, mais elle « partage les opinions » de son confrère.
« Réformer Santé Canada, c’est ce que nous demandons depuis longtemps », déclare Laure Mabileau. « Nous devons faire cesser l’influence des lobbys sur les agences fédérales de réglementation des pesticides. La santé doit passer avant les intérêts commerciaux. »
Contact :
Laure Mabileau, 438 395-6121
Thibault Rehn, 514 582-1674