sylvain-charlebois

SYLVAIN CHARLEBOIS

Un pesticido-sceptique à l'oeuvre

| Publié le
sylvain charlebois

Est-ce que vous vous souvenez de la polémique sur le glyphosate de l’été dernier ?
Pour rappel , en juillet 2021, on apprenait que le gouvernement souhaitait augmenter les limites maximales de résidus (LMR) de glyphosate permises sur de nombreux aliments. Peu après, les médias révélaient que cette augmentation était présentée à la demande de Bayer, le principal fabricant de pesticides à base de glyphosate (voir notre vidéo pour un résumé humoristique). 

Au cœur de cette polémique était publiée dans La Presse, une lettre d’opinion de Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie intitulée « La science et le buffet ».

L’auteur se porte alors à la défense de la décision de Santé Canada d’augmenter la limite de résidus de glyphosate permise sur les aliments de consommation courante.

voir la vidéo

Il y dénonce « les universitaires et les groupes d’intérêt » qui, selon lui, utilisent la science comme un buffet en y sélectionnant uniquement  les études qui justifient leurs positions. Il souhaitait rétablir la « vérité » sur la toxicité du glyphosate.

Le lendemain, La Presse ajoutait une précision importante au bas de cette lettre : « Une version de ce texte a été publiée le 5 août dans le Regina Leader-Post et était co-signée par le professeur Stuart Smyth, de l’Université de la Saskatchewan, dont la chaire de recherche est financée en partie par Bayer Crop Science, un fabricant d’herbicides à base de glyphosate ». 

 

Une lettre d’opinion pour défendre un produit alors que l’on est financé par son fabricant, on a vu plus crédible. Pourquoi le nom de M. Smyth disparaît-il dans la version française ? 
 

Pourquoi aller à contre-courant de la science ?

 

Cette position n’est cependant pas surprenante de la part de M. Charlebois qui twittait au début de la polémique : « l’analyse du glyphosate par Santé Canada est la bonne », allant en sens contraire des médecins, des chercheur.euse.s, des ONG, de l’Ordre des agronomes, de l’Ordre des chimistes, de l’UPA… qui ont tous dénoncé la mauvaise décision de Santé Canada. 

Est-ce qu’il faut s’en étonner ? 

M. Charlebois collabore avec le Centre canadien pour l’intégrité des aliments (CCIA) en étant l’un des auteurs des rapports sur la confiance du public de 2018 et 2019.  Mais qui est le CCIA ? C’est un organisme à but non lucratif qui sert à redorer l’image des lobbies de l’agriculture industrielle et minimiser les impacts du système qu’ils ont mis en place. Ils ne s’en cachent pas puisque l’on peut lire sur leur site internet que sur leurs trois membres principaux on retrouve Bayer et Corteva, deux des plus grands vendeurs de pesticides et d’OGM au monde.

Le 18 mai 2019, dans l’émission Faut pas croire tout de ce que l’on dit,  M. Charlebois déclarait : « Les Monsanto Papers ont été produits par un groupe de lobby, il n’y a eu aucune vérification des entreprises ». Pourquoi M. Charlebois nie-t-il la véracité des Monsanto Papers ? Pour rappel, les Monsanto Papers sont des dizaines de milliers de pages de documents internes que le géant de l’agrochimie, Monsanto, a été contraint de rendre publiques à la suite de procédures judiciaires engagées aux États-Unis. Ces documents ont permis de mettre au grand jour les stratégies malhonnêtes de la compagnie pour nier la toxicité de ces produits, une des tactiques consistant à engager des chercheurs pour relayer leurs discours. 

 

Semer le doute 
 

En science, il n’existe pas de vérité absolue, la science est faite de consensus qui prennent plus ou moins de temps à se mettre en place, particulièrement quand un des objectifs de l’industrie est de retarder ces consensus — comme on l’a vu avec les changements climatiques. Semer le doute dans la communauté scientifique et l’opinion publique est une stratégie bien connue de l’industrie, utilisée de longue date dans les dossiers du tabac, de l’amiante et des changements climatiques. Heureusement, les climatosceptiques ont de moins en moins d’exposition médiatique. Il est important de dénoncer celle des pesticido-sceptiques qui en ont encore trop.
 

M. Charlebois a raison de dire que de nombreux universitaires et de groupes d’intérêt, dont Vigilance OGM, sélectionnent les études scientifiques dans ce qu’il appelle un buffet.
En effet, nous y sélectionnons uniquement les études indépendantes de l’industrie, publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture : cela constitue l’un des fondements de la science.

 

Une distinction primordiale que les journalistes spécialisés répètent sans cesse et qui permet d’expliquer, par exemple, la distinction entre l’évaluation faite par les agences de réglementation et celle du Centre international sur le cancer (CIRC) dans le dossier du glyphosate (pour plus d’informations, lisez notre blogue). Distinction que M. Charlebois ne fait pas dans sa lettre. 

 

En savoir plus : écoutez l'entrevue de Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM et de Sylvain Charlebois à l'émission Les faits d'abord


Dans l’évaluation des pesticides ou des OGM, le gouvernement devrait uniquement baser son évaluation sur les études indépendantes et exclure celles dont les conflits d’intérêts sèment un doute inacceptable. Sans cette transparence, il n’y aura pas de confiance.