TRANSFORMATION DE L'ARLA
Guide de participation à la consultation « bilan »
Il y a 3 ans, le gouvernement se tirait dans le pied en proposant d’augmenter la limite maximale de résidus (LMR) de glyphosate permise sur de nombreux aliments et cela à la demande de son principal fabricant, Bayer/Monsanto.
Ce fut une levée de boucliers sans précédent venant de tous les horizons : scientifiques, Union des producteurs agricoles, Ordre des chimistes et des biologistes, gouvernement du Québec, opposition politique…. et nous, bien entendu ! Boulette comme on dit. Résultat le 4 août 2021, Santé Canada annonce qu’il « suspend sa décision au sujet du glyphosate* pendant qu’il renforce la capacité et la transparence du processus d’examen des pesticides ».
Par la suite, le gouvernement précisera le lancement d’un processus de transformation pour lequel l’ARLA reçoit 42 millions de dollars sur trois ans.
Cette transformation tire à sa fin et nous en tirons des conclusions désastreuses.
*élargit plus tard à l'ensemble des LMR
L’objectif : coordonner son travail pour « renforcer davantage la surveillance et la protection de la santé et de la sécurité humaine et environnementale ». On y comprend rapidement que Santé Canada ne questionne pas l’influence de l’industrie des pesticides sur son travail (la fameuse capture réglementaire dont parle la recherche indépendante), mais plutôt sur sa façon de communiquer. Il faut mieux expliquer aux gens ce que sont ces fameuses LMR.
Le gel des LMR a duré deux ans, mais n'aura concerné que les « augmentations » de LMR. Durant ces deux années, 54 consultations publiques ont eu lieu pour augmenter le nombre de denrées alimentaires sur lesquelles l'application d’un pesticide est autorisée.
(si ça, ça n’augmente pas notre exposition)
En un an de reprise, 27 consultations ont eu lieu, dont 8 pour augmenter des LMR.
Pour toutes ces consultations (augmentation ou non), l’industrie est toujours derrière « la demande » — majoritairement seule, mais parfois de pair avec le gouvernement (notons que pour 8 consultations, ces données ne sont pas rendues publiques). Les bruits de couloirs, eux, nous indiquent que la volonté du gouvernement est de « rattraper le retard » dû au gel des LMR d’ici la fin de l’année, glyphosate inclus.
Du côté des modifications au règlement, une consultation (se terminant le 24 août) présente quatre propositions qui NE RENFORCENT PAS notre protection contre les pesticides — deux d’entre elles ne font rien, et les deux autres aggravent la situation.
Trois ans plus tard et 42 millions de dollars plus tard, le constat est amer: rien n'a donc été transformé et l’avenir s’annonce même pire.
Vous comprenez donc pourquoi on vous invite à faire connaître votre mécontentement à Santé Canada en PARTICIPANT MASSIVEMENT à cette ultime consultation.
Voici deux (autres) bonnes raisons pour vous convaincre d’y participer :
(1) toutes les participations seront rendues publiques, Santé Canada ne pourra donc pas les passer sous silence.
(2) on a tout préparé pour que cela ne vous prenne pas beaucoup de temps !
Comment participer ?
(1) Créer un commentaire de 20 000 mots ou moins : nous vous conseillons de rédiger un mot d'introduction personnalisé (ce qui vous préoccupe, ce que ou aimeriez voir changer, etc.) avant de copier-coller les 3 sections de recommandations ci-dessous (rédigé en italique, en prenant bien les références des études scientifiques).
(2) Vous rendre sur l’interface de Santé Canada et choisir cette consultation (la Gazette) dans la liste
(3) Saisir vos coordonnées
(4) Soumettre votre commentaire. :)
États des lieux sur les propositions de Santé Canada
PROPOSITION 1: RÉGLEMENT SUR LES LMR
Actuellement :
La procédure actuelle ne protège pas la santé humaine : en effet, les nouvelles études démontrent que l’exposition à de petites quantités de pesticides peut entraîner des problèmes de santé. Cela implique donc la nécessaire remise en question de « l'hypothèse de base » de notre évaluation, selon laquelle il existerait des niveaux d'exposition acceptables.
La procédure actuelle prend le niveau le plus élevé de résidus autorisé dans un autre pays et gonfle le nôtre pour l'égaler, et ce même si les instructions de pulvérisation dans l'autre pays entraînent des niveaux plus élevés de résidus. L'ARLA affirme que les Canadien.ne.s n'ont rien à craindre puisque les pratiques de pulvérisation au Canada ne changeront pas, mais elle n'a aucun moyen de le vérifier (car il n'existe pas de niveau de résidus standardisé résultant de la pulvérisation au Canada).
De plus, c’est en très grande majorité les entreprises qui fabriquent ces pesticides qui demandent ces augmentations et non pas les agriculteur.rice.s eux mêmes. Santé Canada accepte ces augmentations en se basant, en très grande majorité, sur les études de l’industrie agrochimique : les mêmes qui vendent ces pesticides. Ces études sont gardées secrètes, même à la suite de demandes d’accès à l’information !
La proposition de règlement :
« Santé Canada a déterminé que le processus actuel de fixation des LMR protégeait la santé humaine et ne nécessitait pas de modifications. »
Conclusion :
Santé Canada souhaite conserver son processus de fixation des LMR non fondée sur la protection de la santé et scientifiquement indéfendable. Les augmentations continueront d’être demandées par les fabricants de pesticides, en se basant sur leurs études « maison » et donc sans aucune transparence. Cette « non-proposition » va aussi à l’encontre de la diminution de l’utilisation des pesticides sur laquelle le gouvernement du Canada s’est engagé lors de la COP15 à Montréal.
RECOMMANDATIONS (à copier) :
Bien qu'établie à l’échelle mondiale, la méthode utilisée pour encadrer notre exposition aux pesticides par l’alimentation — les limites maximales de résidus de pesticides — n’est pas exempte de tout doute quant à son efficacité pour rejoindre son objectif premier, à savoir s’assurer que la quantité de pesticides auquel le consommateur ou la consommatrice est exposé.e dans son alimentation ne s’associe à aucun risque pour sa santé.
En effet, une étude de 2018 visant à tester l’exposition alimentaire chronique à un mélange de pesticides à des doses non toxiques (respectant donc les fameuses LMR) démontre que celles-ci ont un impact pour la santé (ref).
Dans le même sens, une récente étude de l’Université de Sherbrooke vient de faire la démonstration que le cumul de plusieurs faibles concentrations de pesticides était équivalent à l’exposition à une seule forte concentration (ref).
Je souhaite que:
(1) Santé Canada révise le protocole des LMR à la lumière des récentes études scientifiques qui contredisent l'hypothèse de base sur l'encadrement de notre exposition aux pesticides selon laquelle il existerait des niveaux d'exposition acceptables. En effet, l'addition de petites quantités de pesticides peut entraîner des problèmes de santé (ref).
(2) Santé Canada fixe des LMR en se basant sur les études indépendantes et transparentes qui garantissent la santé des citoyen.ne.s canadien.ne.s;
(3) À défaut, que Santé Canada crée des LMR nationales distinctes pour arrêter de niveler par le bas ces limites;
(4) Santé Canada exige que le « demandeur » fournisse des informations actualisées sur la toxicité. Si le titulaire canadien ou le demandeur n'a pas fourni de données de toxicité actualisées, la LMR doit être automatiquement révoquée.
(5) Le ministre procède à une évaluation des risques alimentaires au Canada en utilisant des données canadiennes sur l'exposition et l'alimentation récente.
REF - Lukowicz C, Ellero-Simatos S, Régnier M, Polizzi A, Lasserre F, Montagner A, Lippi Y, Jamin EL, Martin JF, Naylies C, Canlet C, Debrauwer L, Bertrand-Michel J, Al Saati T, Théodorou V, Loiseau N, Mselli-Lakhal L, Guillou H, Gamet-Payrastre L. Metabolic Effects of a Chronic Dietary Exposure to a Low-Dose Pesticide Cocktail in Mice: Sexual Dimorphism and Role of the Constitutive Androstane Receptor. Environ Health Perspect. 2018 Jun 25;126(6):067007. doi: 10.1289/EHP2877. PMID: 29950287; PMCID: PMC6084886.
REF - Enzo Trouillet, La Presse, Étude de Sherbrooke : Les pesticides sont nocifs même à faible concentration, 30 avrilL’identification d’une LMR d’un pesticide est intrinsèquement liée avec l’homologation du même pesticide : les conséquences des failles du système d’homologation des pesticides se précisent donc jusque dans l’établissement de ces seuils.
Il n’est donc pas hors sujet de parler ici des failles du système d'homologation des pesticides.
Actuellement, nous étudions les substances une à une.
Or, un mélange de substances peut amener des interactions entre elles, des effets synergiques issus du mélange des substances : c’est ce que l’on appelle l’effet cocktail.
Ces effets font partie des préoccupations grandissantes des scientifiques et du public.Un parallèle peut aussi être fait avec les médicaments : les effets à long terme sont analysés pour le médicament au complet, pas seulement sur l’ingrédient actif. Les médicaments sont homologués par les mêmes agences réglementaires et souvent produits par les mêmes compagnies qui font les pesticides. Pourquoi de telles différences de traitement ?
En effet, la formulation commerciale n’est pas évaluée et nous faisons fi des impacts des co-formulants sur notre santé et notre environnement.
Pourtant, ces derniers ne sont pas inoffensifs : on peut, par exemple, penser au polyoxyéthylène amine (POEA) qui se retrouve dans le Roundup et qui serait jusqu'à 1000 fois plus toxique que le glyphosate.Dans les champs, les agriculteur.rice.s n’appliquent pas la matière active d’un pesticide, mais la formule commerciale — une formulation avec plusieurs composés dont l’ARLA ignore comment ils interagissent entre eux. Il est donc important d’étudier ce que l’on applique au champ pour s’assurer d’évaluer les risques réels auxquels nous exposons notre santé et notre environnement. Autre fait majeur : les agriculteur.rice.s n’appliquent pas qu’un seul pesticide, mais une multitude : les effets entre ces pesticides ne sont pas étudiés, ni même d’ailleurs les effets entre les différents ingrédients actifs.
Ainsi le système des LMR qui régule notre exposition chronique et alimentaire aux pesticides ne prend pas en compte, lui aussi, l’effet cocktail puisqu’il identifie l’établissement de seuils, matière active par matière active et ne s’attarde pas à connaître l’interaction des différents pesticides auxquels nous sommes exposés.
L’effet cocktail doit être pris en considération par Santé Canada.En 2014, Santé Canada (le ministère qui supervise l’ARLA) a entériné la « Loi de Vanessa » (Loi modifiant la loi sur les aliments et la drogue) faisant en sorte que tous les documents ayant servi à l’évaluation de nouveaux médicaments tombent dans le domaine public et que ceux ayant servi à l’homologation de médicaments avant le passage de cette loi soient rendus accessibles grâce à une demande d’information.
Ce même changement pour le cas des pesticides permettrait à tous les scientifiques d'avoir accès aux informations et de suggérer plus aisément des ajustements pour une utilisation judicieuse de ces produits chimiques.
Recommandation : Que toutes les études utilisées lors de l’évaluation et l’homologation des pesticides soient rendues publiques (ref).
Recommandation : Que l’évaluation des pesticides par l’ARLA exige les mêmes études pour la formulation commerciale du pesticide que pour sa matière active (ref).
Recommandation : Que les effets dits cocktails soient évalués lors de l’homologation des pesticides (ref).
Recommandation : Que l'évaluation des pesticides par l'ARLA porte essentiellement sur des études scientifiques indépendantes (ref).REF - Time to improve transparency at Health Canada’s Pest Management Regulatory Agency, Marc-André Gagnon and Marie-Hélène Bacon, CMAJ November 27, 2023 195 (46) E1583-E1584; DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.231089
REF - Mesnage, R., Defarge, N., de Vendômois, J.S., & Séralini, G.E. (2014). Major pesticides are more toxic to human cells than their declared active principles. BioMed Research International, 2014, Article ID 179691. https://doi.org/10.1155/2014/179691
REF - Chemical cocktail affects humans and the environment" by the University of Gothenburg, which discusses the broader environmental and health impacts of chemical mixtures (ScienceDaily)
REF - Friedman, Lee PhD; Friedman, Michael BS. Financial Conflicts of Interest and Study Results in Environmental and Occupational Health Research. Journal of Occupational and Environmental Medicine 58(3):p 238-247, March 2016. | DOI: 10.1097/JOM.0000000000000671
PROPOSITION 2: RÉGLEMENT SUR LES DONNÉES D'ESSAI CONFIDENTIELLES
Actuellement :
Tous les publics, peu importe leur raison, peuvent consulter les documents dans la «reading room» (sauf si le ministre est convaincu que l'objectif de la demande n'est pas d'homologuer un produit antiparasitaire).
La proposition de règlement :
Elle vise à supprimer ce droit fondamental d'accès à l’information pour le remplacer par une procédure d'accès discrétionnaire, uniquement à des « fins de recherche » et seulement lorsque l'ARLA souhaite fournir les données.
En outre, l'accès serait limité aux « résidents canadiens ». La proposition de règlement ne prévoit pas de recours en cas de refus d'accès. L'ARLA ne sera même pas tenue de motiver son refus.
Conclusion :
Vigilance OGM demandait qu’une démarche plus transparente et scientifique soit mise en place : Santé Canada propose plutôt d’empirer la situation.
En effet, il est tout à fait inapproprié que l'ARLA contrôle l'ensemble des demandes d'accès aux données d'essai confidentielles. Rendre l'accès aux données d'essai à la discrétion de l'ARLA n’est pas l’équivalent de « renforcer » la transparence du processus d'approbation des pesticides. Au contraire, cette proposition de modification saperait l'objectif d'améliorer la transparence du processus d'homologation des produits antiparasitaires. En somme, ce changement pourrait gravement compromettre la recherche scientifique et les contributions possibles qui garantissent la sécurité des Canadien.ne.s.
RECOMMANDATION (à copier) :
Je demande que toutes les études utilisées lors de l'évaluation et l’homologation des pesticides soient rendues publiques.
PROPOSITIONS 3/4: RÉGLEMENT SUR LES ESPÈCES EN DANGER/LES RISQUES CUMULÉS
Actuellement :
Le Règlement sur les produits antiparasitaires et la Loi sur les produits antiparasitaires (LPA) permettent au ministre d'exiger des informations sur les risques environnementaux cumulatifs/et les espèces en péril.
La proposition de règlement :
À moins que l'ARLA ne mette systématiquement à jour les exigences en matière de données pour exiger d’y inclure des risques environnementaux cumulatifs/et des espèces en péril, il est peu probable que ces règlements améliorent quoi que ce soit.
Conclusion :
Le règlement n'améliore pas l'évaluation des risques pour l'environnement. Des exigences obligatoires sont nécessaires pour prendre en compte les effets des pesticides sur les espèces à risque et pour évaluer les combinaisons de pesticides sur l'environnement. Les modifications proposées risquent même de nuire à l'évaluation des risques pour l'environnement en encourageant l'ARLA à traiter comme discrétionnaires des aspects de l'évaluation des risques pour l'environnement qui sont clairement obligatoires en vertu de la loi.
RECOMMANDATION (à copier) :
Je demande que l'évaluation des effets environnementaux cumulatifs et des effets des pesticides sur les espèces menacées doit être rendue obligatoire, de même que la présentation d'informations sur ces effets.