Fruits et légumes
Laver c’est bien, bio c’est mieux
À Vigilance OGM, on reçoit de nombreuses questions sur les OGM et les pesticides de la part de citoyens et citoyennes inquiets. L’une d’entre elles est : quelle est l’efficacité du nettoyage à l’eau de nos aliments ? C’est un sujet qui mériterait probablement un rapport complet, nous avons donc centré notre analyse sur quelques aspects importants et allons essayer de répondre au mieux de nos connaissances.
Bonne lecture.
PS : il paraît que cela peut aussi « nettoyer » la COVID-19 :)
Chaque aliment issu de l'agriculture industrielle reçoit un cocktail de pesticides (entre un jusqu’à une trentaine pour les pires) sous plusieurs formes.
Au Québec, notre gouvernement analyse les résidus de pesticides sur nos fruits et nos légumes. Ces rapports essentiels (1) comportent de nombreuses lacunes :
- le manque de régularité (en 2019, on a reçu des analyses de 2016-2017 et le précédent rapport datait de 10 ans !) ;
- un rapport très partiel, seulement 8 pages ;
- n’incluant pas le glyphosate, pourtant le pesticide le plus utilisé au monde et au Québec. (2)
Au Canada, la situation n’est guère mieux, sinon pire. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) teste annuellement 10 000 produits, mais ne diffuse pas ses résultats. (3)
Attention aux pesticides systémiques
Il existe deux grands modes de pénétration des pesticides dans les végétaux qui se distinguent selon que le pesticide soit dit « de contact » ou « systémique ». Les pesticides de contact sont ceux qui agissent au contact de la cible (insectes, mauvaises herbes, etc.) : ces derniers restent à la surface des aliments. Les pesticides systémiques, eux, sont absorbés par les aliments et se déplacent à l’intérieur de ceux-ci. On comprendra rapidement que le nettoyage à l’eau est donc uniquement utile pour la première catégorie de pesticides.
Parmi les pesticides systémiques, on retrouve les néonicotinoïdes ou ceux à base de glyphosate comme le fameux Roundup. Le glyphosate est le pesticide le plus vendu au Québec, soit 27,25 % (4). Même si ces pesticides sont majoritairement utilisés sur les cultures génétiquement modifiées (GM), ils peuvent aussi être utilisés dans la production de fruits et de légumes. Ce type de pesticides dit « systémiques » pénètre donc tous les tissus des plantes y compris « l'intérieur ».
Certaines études expliquent notamment l'impossibilité de rincer les pesticides systémiques (5) (6).
Lorsque possible, il est toujours recommandé de rincer et frotter à l'eau ses aliments. Onil Samuel, conseiller scientifique santé et environnement à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) à la retraite explique : « Rincer les aliments sous l’eau déloge les pesticides de surface qui sont solubles à l’eau. Quand c’est possible, on peut aussi frotter les légumes et les fruits qui ont la peau dure à l’aide d’une petite brosse. Ou les peler, mais on se prive ainsi de certains nutriments. (7)»
Selon une étude, la solution permettant d'enlever le plus de pesticide en surface serait de tremper ses fruits et légumes dans l’équivalent de deux verres d’eau mélangés à deux cuillères à café de bicarbonate de soude. Ce bain, pour être complètement efficace, doit durer quinze minutes. Facile vous avez dit ? (8)
Aliments préparés
Pour les fruits et légumes, on peut donc essayer d’enlever une partie des pesticides utilisés en lavant ou en enlevant la pelure. Cependant, pour plusieurs aliments, ce n’est pas possible. On peut penser à des produits de base comme la farine ou à des mets préparés comme la pizza. Pour les produits de base peu modifiés, il y a souvent des tests faits par Santé Canada mais la publication des résultats est plutôt rare. En fait, à part quelques études ciblées, il n’y a pas de portrait global de la contamination aux pesticides (9).
Limites maximales résiduelles (LMR)
Les autorités sanitaires et les industriels des pesticides rappellent souvent que si les résidus ne dépassent pas les Limites maximales résiduelles (LMR), il n'y aurait pas de danger. Malheureusement, cet énoncé est faux car les méthodologies pour fixer ces limites sont basées sur des principes toxicologiques archaïques. En effet, citons par exemple le fait que ce sont principalement les données confidentielles de l'industrie qui servent de référence ou que la somme des expositions cumulées et synergiques (effets cocktails) ne soit pas pris en compte (ce qui est complexe mais pourtant essentielle afin de protéger la santé) (10).
De plus, les LMR supposent que les pesticides n’ont pas d’effet en dessous d’un certain seuil. Les autorités se justifient souvent en disant : « la dose fait le poison », phrase célèbre de Paracelse qui a fondé la toxicologie et qui est mort en ... 1541 (!). Cependant, cette « déclaration » n’est plus scientifiquement valide pour de nombreux types de polluants comme les perturbateurs endocriniens, parmi lesquels de nombreux pesticides ou encore les nanoparticules. Avec les perturbateurs endocriniens, ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais plutôt la période d’exposition. Certaines populations sont aussi plus en danger face à de faibles expositions à ce type de polluants : c’est le cas des très jeunes enfants, et encore davantage les fœtus (11).
Pour Onil Samuel : « Il faut effectivement continuer à faire des efforts pour diminuer ces résidus-là, d’autant plus qu’il demeure quand même des incertitudes, notamment en lien avec la survenue potentielle de maladie à la suite de l’exposition à de faibles doses. C’est loin d’être clair dans la littérature scientifique », ajoute-t-il (12). Cependant, de plus en plus de chercheurs dénoncent l’absence d’évaluation des risques adéquate, comme la prise en compte de la formulation commerciale (au lieu du simple agent dit « actif ») et les effets cocktails.
Solutions
Heureusement , il existe des solutions pour limiter son ingestion de pesticides. Dans son blog intitulé : Pesticides : quatre trucs faciles pour en manger moins, le nutritionniste urbain évoque des pistes intéressantes :
1. Acheter biologique
2. Laver les fruits et les légumes
3. Enlever la pelure
4. Acheter local
On as-tu hâte aux premières pommes biologiques du Québec ?
(1) MAPAQ, 2019, Plan de surveillance des résidus de pesticides dans les fruits et légumes frais vendus au Québec 2016-2017
(2) Laboratoire d’expertises et d’analyses alimentaires, 2019, Annexe 2 - Liste des analytes, MAPAQ, 113 p.
(3) INSPQ, 2010, Mesures de réduction de l’exposition aux pesticides dans les aliments, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, 127 p.
(4) Ministère de l’Environnement, de la lutte aux contre les changements climatique. (2020). Bilan des ventes de pesticides au Québec—Année 2018. Québec, 81.
(5) Bonnechère, A., Hanot, V., Bragard, C., Bedoret, T., & van Loco, J. (2012). Effect of household and industrial processing on the levels of pesticide residues and degradation products in melons. Food Additives & Contaminants: Part A, 29(7), 1058‑1066.
(6) Lozowicka, B., Jankowska, M., Hrynko, I., & Kaczynski, P. (2016). Removal of 16 pesticide residues from strawberries by washing with tap and ozone water, ultrasonic cleaning and boiling. Environmental Monitoring and Assessment, 188(1), 51.
(7) Nettoyants pour fruits et légumes : plus efficaces que l’eau contre les pesticides? Faux, Sciences presse, mai 2017
(8) Effectiveness of Commercial and Homemade Washing Agents in Removing Pesticide Residues on and in Apples, 2017 American Chemical Society
(9) Santé Canada, Sauvegarder grâce à la science : Dépistage du glyphosate en 2015-2016, 5p.
(10) Kortenkamp, A., & Faust, M. (2018). Regulate to reduce chemical mixture risk. Science, 361(6399), 224-226.
(11) EDC-2 : The Endocrine Society’s Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals 2015. (page 11)
(12) Trop de résidus de pesticides dans 5 % des fruits et légumes, septembre 2019 , La Presse