1. Le coton c’est quoi ?
Le coton est une fibre végétale qui entoure les graines des cotonniers «véritables», un arbuste. Cette fibre est généralement transformée en fil qui est tissé pour fabriquer des tissus. Le coton est la fibre naturelle la plus produite dans le monde, principalement en Chine et en Inde. Leur production totalise environ 50% de la production mondiale.
2. Qui produit du coton GM ?
En 2018, 32,9 millions d'hectares de coton ont été plantés dans le monde, dont 76%, soit 24,9 millions d'hectares, étaient génétiquement modifiés. Le coton est la 3e culture GM du fait de son importance en représentant 13 % des superficies mondiales d’OGM. (2)
Même si 15 pays ont cultivé du coton GM en 2018, les 5 plus grands producteurs de coton GM représentaient à eux seuls 95% de la production mondiale. Ces pays producteurs sont l’Inde (11,06 millions d'hectares), les États-Unis (5,06 millions d’hectares), le Pakistan (2,80 millions d'hectares), la Chine (2,93 millions d'hectares) et le Brésil (1,02 million d'hectares) (2)
3. Pourquoi on le modifie ?
Le coton GM est doté d’un ou de deux traits particuliers. L’un produit une tolérance aux herbicides à base de glyphosate, comme le Roundup de Monsanto, et l’autre stimule la production d’une toxine mortelle pour le ver du cotonnier, l’un des principaux ravageurs du coton. Ce coton résistant aux ravageurs est conçu avec un gène de la bactérie Bt (Bacillus thurengiensis) – il s’agit de la variété la plus couramment cultivée, puisqu’elle représente 72,85 % de toutes les cultures de coton GM. (2)
4. Problématiques
Les études de cas des cultures du coton en Inde et au Bukina Faso sont très révélatrices des difficultés que rencontrent les agriculteur·rice·s lors qu’ils utilisent cette technologie.
Le Burkina Faso abandonne le coton GM
Le Burkina Faso est l’un des plus gros producteurs africains de coton, et cette culture est considérée comme la locomotive du développement agricole dans le pays. Le Burkina Faso a commencé à cultiver le coton produisant son propre insecticide, le coton «Bt» en 2008. L’industrie de la biotechnologie et les médias avaient alors annoncé que la productivité du coton Bt était miraculeuse et que les rendements seraient accrus. En réalité, la culture du coton Bt a été accompagnée de problèmes techniques persistants qui se sont aggravés avec le temps.
Après seulement deux saisons, les fermier·ères protestaient déjà, car leurs récoltes de coton avaient perdu en qualité en raison de la taille trop courte des fibres obtenues. Ainsi, ces fermier·ère·s ne sont pas parvenus à obtenir un prix décent pour leur production, en dépit de l’investissement coûteux dans la technologie des OGM. Le prix des semences de coton Bt est, en moyenne, 18 fois plus élevé que le coton conventionnel. Beaucoup de fermier·ère·s ont également fait état de faibles rendements, partiellement attribués à la nécessité d’appliquer des doses très précises d’engrais et de pesticides pour obtenir de bons rendements, une pratique à laquelle les fermier·ère·s ne sont pas habitué·e·s. Sur les deux dernières campagnes cotonnières avant le bannissement du coton Bt (2014-2015 et 2015-2016), les rendements ont été inférieurs de 7% à ceux du coton conventionnel. En conséquence, les producteurs qui ont eu recours au coton Bt ont été perdants: leur profit moyen est inférieur d’environ 7% à celui des producteur·rice·s de coton conventionnel. (3)
Après moins de 10 ans, le Burkina Faso abandonne la culture du coton GM
L’Inde entre échec et suicide
Le coton est une importante culture de rentes en Inde. Il est le deuxième producteur mondial derrière la Chine. Le coton Bt résistant aux insectes a été introduit dans ce pays par Monsanto en 2002. L'entreprise avait alors promis aux agriculteur·rice·s une diminution de l’utilisation de pesticides ainsi qu’une augmentation des rendements et donc de leurs revenus.
Même si dès les premières années, certains agriculteur·rice·s ont noté une réduction de l’utilisation des pesticides et d'une diminution des pertes de récoltes, la tendance a rapidement changé, et cela de manière radicale.
Le coton Bt a été un échec foudroyant dans certaines régions. Dans l’état d’Andhra Pradesh, le gouvernement estime que sur 70% des 1,9 million d’hectares où du coton Bt a été semé en 2011, le rendement a chuté de plus de 50% (4) et ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Plusieurs facteurs viennent expliquer cet échec:
- la piètre qualité des semences,
- l’émergence de ravageurs secondaires,
- la résistance développée par le ver du cotonnier
- la technologie Bt, mise au point aux É.-U., n’est pas adaptée aux conditions agricoles de l’Inde. (5)
Comme dans le cas d’autres cultures GM, le ver du cotonnier, résistant au coton Bt, est apparu. Les agriculteur·rices ont été forcé·e·s d’utiliser plus de pesticides pour le contrôler. Par ailleurs, des ravageurs secondaires comme des thrips, des cochenilles et des pucerons ont commencé à devenir problématiques alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant. (6) Les fermier·ère·s utilisent maintenant des pesticides hautement toxiques pour gérer ces nouveaux problèmes. Par conséquent, au cours des dix dernières années, les données du gouvernement démontrent que l’utilisation de pesticides est restée la même ou a augmenté dans la ceinture du coton.(4)
La semence Bt, que les fermier·ère·s doivent acheter chaque année auprès des semenciers, est trois à huit fois plus chère que les semences hybrides classiques, et beaucoup plus chère que les semences locales que les producteur·rice·s trouvaient sur le marché il y a vingt ans. (7) Le coton Bt exige aussi davantage d’irrigation et d’engrais pour produire de bons rendements, ce qui fait encore grimper les coûts. La dépendance des agriculteur·rice·s envers les intrants agricoles à prix élevé n’est pas un phénomène nouveau, mais elle s’est amorcée avec l’introduction de coûteuses semences hybrides de marque déposée et s’est exacerbée avec l’apparition du coton Bt de Monsanto. Le coton Bt n’a pas réussi à remplir ses promesses et il a coûté très cher en vies humaines.
Un constat effrayant: 250 000 agriculteur·rice·s indien·ne·s se sont suicidé·e·s depuis 15 ans. (9)
La plupart des petits agriculteurs doivent emprunter pour acheter des semences, des pesticides et des engrais coûteux. Quand les rendements baissent, que la récolte est mauvaise ou que le marché du coton s’effondre, les agriculteur·rice·s sont incapables de rembourser leur prêt et se retrouvent dans une spirale d’endettement et de pauvreté. Des groupes de défense des producteur·rice·s en Inde relient le monopole des semences, le coût élevé des intrants et l’endettement aux suicides de fermier·ère·s indien·ne·s dans les dix dernières années, survenus en majorité dans la ceinture du coton. (8)
(1) Empire of Cotton: A New History of Global Capitalism, Sven Beckert, 2014.
(2) James, C. (2018). Global Status of Commercialized Biotech/GM Crops: 2018. ISAAA brief No. 54. International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA): Ithaca, NY. (en ligne)
(3) LE COTON BT ET NOUS La vérité de nos champs ! Synthèse des résultats d’une recherche paysanne sur les impacts socio-économiques du coton Bt au Burkina Faso COPAGEN 2017. (en ligne)
(4) 10 Years of Bt Cotton: False Hype and Failed Promises, Cotton farmers’ crisis continues with crop failure and suicides, Coalition for a GM Free India (CGMFI), 2012. (en ligne)
(5) Remarkable Success, and Four Ugly Facts. Field Questions, Stone, G.D., 2012. Bt Cotton. (en ligne)
(6) 10 years of Bt in India. Central Institute for Cotton Research, Kranthi, K., 2011. (en ligne)
(7 ) Le coton génétiquement modifié , contexte 2013, CBAN.
(8) Navdanya, Navdanya International, the International Commission on the Future of Food and Agriculture, with the Centre for Food Safety. 2011. The GMO emperor has no clothes: A Global Citizens’ Report on the State of GMOs- False Promises, Failed Technologies. (en ligne)
(9) Sainath, P., 2011. In 16 years, farm suicides cross a quarter million. The Hindu. 29 Oct.