consultation-biodiversité-pesticides

Biodiversité

Il faut mettre fin à notre dépendance aux pesticides

| Publié le
consultation biodiversité stratégie 2030

Suite à la COP 15 qui a eu lieu à Montréal en décembre 2022, le gouvernement du Canada a lancé une consultation intitulée : Vers une stratégie canadienne 2030 pour la biodiversité: Freiner et inverser la perte de nature. Vigilance OGM y a participé en faisant parvenir un mémoire et coordonné une lettre ouverte signée par scientifiques et ONG.


Dans le blog, vous pouvez donc lire :

1) La lettre ouverte intitulée Il faut mettre fin à notre dépendance aux pesticides et signée par plus d'une vingtaine de scientifiques et ONG à travers le Canada — publiée dans Le Devoir, le 10 juillet 2023 ; et envoyée à M. Guilbeault, Ministre de l'Environnement et du Changement Climatique

2) notre mémoire qui regroupe 22 recommandations et préoccupations en lien avec les failles de l'évaluation des pesticides, les problématiques de cohérence des politiques, l'influence des lobbys, etc.

Bonne lecture !

1) NOTRE LETTRE OUVERTE 

 

L’APRÈS COP 15:  Il faut mettre fin à notre dépendance aux pesticides

Le 15 mai dernier, M. Guilbeault, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, lançait des consultations sur l'élaboration de la Stratégie 2030 pour la biodiversité du Canada pour faire suite aux promesses formulées dans le cadre de la COP 15 s’étant tenue à Montréal en décembre dernier. Afin de mettre un frein et de remédier à la perte de biodiversité, la cible 7 — beaucoup moins ambitieuse qu'initialement prévu — vise à diminuer de 50 % le risque global lié aux pesticides d’ici 2030.

 

Alors qu’il y a 60 ans, le livre Printemps silencieux de Rachel Carson dénonçait déjà l’utilisation abusive des pesticides et leurs impacts sur la biodiversité, il est consternant de voir que le Canada n’a jamais eu et n’a toujours pas de plan visant la diminution de l’utilisation des pesticides. Malgré un discours prônant la réduction de ceux-ci, leur utilisation n’a cessé d’augmenter au cours des 30 dernières années, notamment dans le secteur agricole. Les herbicides à base de glyphosate (HBG) sont les pesticides les plus utilisés sur la planète ainsi qu'au Canada, où un total de près de 470 millions de kilogrammes y a été vendu entre 2007 et 2018 (1). Les HBG représentaient 58 % des pesticides utilisés dans le secteur agricole au Canada en 2017, particulièrement pour les cultures génétiquement modifiées (GM) et les légumineuses, mais aussi en foresterie. Globalement, les ventes d'herbicides agricoles au Canada ont augmenté de 234 % entre 1994 et 2020, incluant ceux à base de glyphosate dont les ventes ont augmenté de 51% uniquement entre 2007 et 2017


Impacts sur la santé des écosystèmes et des populations 


Depuis de nombreuses années, les spécialistes soulignent les lourdes menaces pesant sur la biodiversité et notre entrée dans la sixième extinction de masse. Or, les pesticides ont été identifiés comme l’une des causes de l’effondrement rapide et catastrophique du nombre d’espèces animales et végétales. Études après études, le déclin des oiseaux, des pollinisateurs et des insectes est associé à l’utilisation massive des pesticides qui se retrouvent au nord de l’Arctique jusqu’au fond de la forêt amazonienne. Au Canada, on asperge d’HBG la forêt boréale, lieu de grande biodiversité, malgré les demandes d’arrêt répétées de nombreuses communautés autochtones, et alors même que cette pratique n’est pas nécessaire (comme le démontre l’exemple du Québec qui l’a interdit depuis 2001). 


Les objectifs nationaux et internationaux de préservation de la biodiversité ne pourront donc être atteints que si l’utilisation des pesticides est considérablement réduite. Nous pensons que le Canada doit  se doter d’une stratégie pour la biodiversité comprenant des objectifs clairs et forts sur ce dossier.

 

De plus, alors que les effets délétères des pesticides pour les personnes exposées sont très bien documentés dans la littérature scientifique indépendante, une réduction majeure de l’utilisation des pesticides permettrait à la fois de protéger la biodiversité et la santé des populations, faisant ainsi d’une pierre deux coups pour le gouvernement qui a aussi pour devoir de protéger la santé humaine.

 

Évaluations et utilisations préoccupantes


Il est donc urgent de mettre en place un plan de réduction crédible pour respecter nos engagements de réduction des impacts des pesticides de 50 % d’ici 2030. Cela doit être accompagné d’une réforme profonde de l’évaluation des pesticides faite par Santé Canada. Cette nouvelle évaluation devra prendre en considération les impacts des formulations commerciales utilisées, et non pas uniquement les ingrédients déclarés « actifs » par les compagnies agrochimiques. Elle devra aussi être basée sur les plus récentes études scientifiques indépendantes revues par les pairs, et non pas majoritairement sur des études confidentielles réalisées par les firmes elles-mêmes. 


Cette stratégie doit mettre de l’avant une cible de réduction nationale des ventes de pesticides d’au moins 50 %, comme s'est fixée l’Union européenne en 2020. À cette fin, il importe que toutes les orientations des politiques agricoles canadiennes prennent non seulement en considération ces cibles, mais qu’elles soutiennent et financent des alternatives agricoles intégrant une importante biodiversité (telle l’agriculture biologique) pour permettre aux agriculteur.rice.s de sortir de ce modèle de cultures industrielles basées sur les intrants chimiques. Il faut également accroître le soutien public à la recherche indépendante en agriculture et au transfert de connaissances, qui misent sur des agro-écosystèmes résilients et autonomes et qui ne reposent pas sur le recours accru aux intrants, mais plutôt sur le savoir et les services écologiques. 


L’atteinte de ces objectifs ne pourra se faire sans régler le problème majeur de la capture scientifique et réglementaire des agences canadiennes responsables de l’évaluation et de l’encadrement réglementaire des pesticides par l’industrie agrochimique. Tant et aussi longtemps qu’elle existera, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) « favorisera les intérêts commerciaux au détriment des impératifs de santé publique et de protection de l'environnement (1) ». Cette capture réglementaire s'est récemment illustrée dans le dossier des nouveaux OGM avec la volte-face de la ministre de l'Agriculture, M-C. Bibeau, sur la transparence volontaire finalement accordée aux entreprises de l’agrochimie,ou encore sur celui de la limite maximale des résidus (LMR) que Santé Canada a proposé d’augmenter à la demande des vendeurs de pesticides.


Nous demandons donc à M. Guilbeault une Stratégie 2030 sur la biodiversité qui respecte les demandes maintes fois répétées par les scientifiques indépendants, les citoyen.ne.s et les communautés autochtones à travers le Canada. Nous nous souhaitons aussi collectivement que les décisions émanant de cette stratégie soient — enfin — en cohérence avec les intentions énoncées et les engagements pris par le gouvernement canadien devant les 20 000 délégués de plus de 190 pays et États membres à la COP 15.

 

SIGNATAIRES:

  • Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM
  • Amandine François, coordonnatrice de Victimes des pesticides du Québec
  • Léon Bibeau-Mercier, agr., président de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ)
  • Louise Vandelac et Marie-Hélène Bacon, Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA), UQAM
  • Maryse Bouchard, PhD, professeure agrégée, Institut national de la recherche scientifique (INRS) - Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie et Chercheuse, Centre Hospitalier Universitaire Sainte-Justine 
  • Stéphanie Harnois, spécialiste des communications et affaires publiques, Fondation David Suzuki
  • Karelle Trottier, chargée de projet en développement durable et santé environnementale, Réseau des femmes en environnement
  • Meg Sears, PhD, Prevent Cancer Now
  • Mary Lou McDonald, présidente, Safe Food Matters
  • Gaspar Lépine, coordinateur, Union Paysanne
  • Catherine Lambert Koizumi, directrice générale, Association de gestion halieutique autochtone Mi’gmaq et Wolastoqey (AGHAMW)
  • Lise Parent, Université TÉLUQ, Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA), UQAM
  • Diego Creimer, directeur Finance et Biodiversité, Société pour la nature et les parcs - SNAP Québec
  • Sarah-Katherine Lutz, directrice générale, ENvironnement JEUnesse
  • Claire Bolduc, agr., ancienne présidente de l’Ordre des agronomes du Québec et préfète de la MRC de Témiscamingue
  • Chantal Levert, coordinatrice générale, Réseau québécois des groupes écologistes - RQGE
  • Bernie McKenna, président, Halifax Field Naturalists Society
  • John Roff, Chair, St Margaret’s Bay Stewardship Association
  • Sydnee McKay, Stop Spraying and Clearcutting Mi’kma’ki (Nova Scotia)
  • Beth Cranston, responsable communication & réseaux sociaux, Annapolis Waterkeepers
  • Bev Wigney, Annapolis Environment & Ecology Group
  • Charlotte Dawe, chargée de campagne conservation et politiques, Wilderness Committee
  • Bob Bancroft, président, Nature Nova Scotia
  • Patricia Egli, trésorière, Eastern Shore Forest Watch (ESFW)
     

RÉFÉRENCES:

(1) Bacon, M.-H.; Vandelac, L.; Gagnon, M.-A.; Parent, L. Poisoning Regulation, Research, Health, and the Environment: The Glyphosate-Based Herbicides Case in Canada. Toxics 2023,11(2), 121

FORMAT PDF (FR et AN)

 

Biodiversité et pesticides

2) MÉMOIRE DE VIGILANCE OGM - JUILLET 2023

 

Voici le mémoire soumis lors de la consultation « Vers une stratégie canadienne 20230 pour la biodiversité : Freiner et inverser la perte de nature ». Il regroupe 22 recommandations et préoccupations en lien avec les failles de l'évaluation des pesticides, les problématiques de cohérence des politiques, l'influence des lobbys, etc.

LIRE LE MÉMOIRE