SANTÉ CANADA
Un scientifique claque la porte dénonçant un système d’évaluation des pesticides « obsolète »
Sutton, le 18 juillet 2023 – Le coprésident du Comité consultatif scientifique sur les produits antiparasitaires (CCS-PA)(1), Bruce P.Lanphear, professeur en santé environnementale des enfants à la Faculté des sciences de la santé à l'Université Simon Fraser (Colombie-Britannique), vient de donner sa démission avec courage et éthique.
Dans sa lettre de démission envoyée à Santé Canada, il dénonce de nombreuses choses dont l’influence et la présence néfaste des lobbys de l’agrochimie dans les comités, le manque de transparence et une évaluation « obsolète » des pesticides qui protège avant tout l’industrie, et le « faux sentiment de sécurité» donné à la population par la mise en place du comité scientifique.
Rappelons que ce comité avait été mis en place suite au scandale de 2021 où l’on avait appris que Santé Canada souhaitait augmenter la limite maximum de résidus (LMR) de pesticides permise, dont le glyphosate, sur de nombreux aliments à la demande de leurs fabricants (2).
Un comité couverture?
« Nous ne sommes malheureusement pas surpris de ce scandale qui entache de nouveau la réputation de Santé Canada dans le dossier de l’évaluation des pesticides et son manque d’assise scientifique » analyse Laure Mabileau, responsable de la campagne Sortir du glyphosate. « Cela fait longtemps que scientifiques et ONG demandent une réforme urgente de Santé Canada (3), ce qui fait écho à cette lettre de démission. »
Cette démission arrive juste après que le gouvernement ait décidé la reprise des augmentations des LMR de nombreux pesticides sur la nourriture des Canadiens et des Canadiennes, deux ans après les avoir gelés (4).
« Cette lettre met en lumière que les comités sont souvent un leurre que le gouvernement utilise seulement à des fins communicationnelles pour rassurer l’opinion publique. Il n’y a finalement pas d’intention ni d’ouverture de la part du gouvernement à modifier — en profondeur — ses façons de faire » constate Mme Mabileau.
« C’est ce manque d’ambition que décrit M.Lanphear et on l’a aussi vu dans le dossier des nouveaux OGM où la voix des agriculteurs biologiques n’était ni écoutée, ni considérée mais utilisée ».
Inquiétude sur la santé des Canadien.ne.s
M. Lanphear s’inquiète de l’utilité du comité et surtout de la santé des Canadien.ne.s : je crains que le comité consultatif scientifique — et mon rôle en tant que coprésident — ne donne un faux sentiment de sécurité, à savoir que l'ARLA protège les Canadiens contre les pesticides toxiques.
Il aborde aussi spécifiquement le dossier des LMR en se questionnant sur l’approche de l’agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) qui pense que le problème principal est que le public ne comprend pas comment l'ARLA définit ou calcule les limites maximales de résidus. Que se passera-t-il si les hypothèses relatives aux limites maximales de résidus ne protègent pas les Canadiens ?
« Les augmentations des LMR répondent uniquement à un enjeu commercial formulé par les vendeurs de pesticides. Pour éviter de le faire paraître, Santé Canada choisit la non-transparence. Par exemple, quand on a cherché à comprendre sur quelles études l’ARLA s’était basée pour justifier l’augmentation des LMR pour le glyphosate en 2021, on a attendu plus de 12 mois et reçu 226 pages blanches ! (5) » dénonce Mme Mabileau.
Lobbys contre démocratie
Dans cette lettre de démission lucide, M. Lanphear pose la question : est-ce que les représentants de l'industrie — qui ont un conflit d'intérêt financier clair et indéniable — devraient être autorisés à siéger au Conseil consultatif de la lutte antiparasitaire ?
Pour y répondre ainsi : Absolument pas.
« La démission de M. Lanphear et le dossier des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides sont révélateurs du fait que Santé Canada est aux prises avec une capture réglementaire (6) » explique Laure Mabileau. « Tant et pour autant que Santé Canada n’adressera pas cet enjeu évident, les politiques gouvernementales favoriseront avant tout les intérêts commerciaux des industriels des pesticides plutôt que la santé de la population ».
Dans le cadre de sa campagne « Sortir du glyphosate», Vigilance OGM suit depuis plus de deux ans le dossier des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides. Vigilance OGM invite le grand public à signer ce manifeste et soutenir les appels à l’action visant à empêcher l’augmentation scandaleuse et systématique des LMR.