Saumon OGM
Vigilance OGM au front
Du 17 au 19 mars dernier avait lieu le Sea food expo, North America à Boston. Tous les grands acteurs de l’industrie y étaient présents, ainsi que de nombreux politiciens, un parfait « get-together ». Sans surprise, rien au programme sur la commercialisation du premier animal génétiquement modifié (GM) au monde, le saumon GM ! Ni conférences, ni kiosque de la compagnie Aquabounty, la compagnie qui le crée.
Vigilance OGM et son coordinateur Thibault Rehn, avaient bien l’intention de savoir pourquoi cette industrie ne souhaitait mettre de l’avant la commercialisation ce premier animal GM au monde. N’était-ce pas une source de fierté ? Lisez attentivement cette «aventure» et si vous souhaitez que l’on y retourne l’année prochaine : appuyez nous dès maintenant pour que cela soit possible !
Dimanche 17 mars - 10 h00 : Dès mon arrivée, je m’aventure dans cet immense hall du Boston Convention & Exibition Center qui dégage une forte odeur de produits de la mer. Après quelques minutes, je repère le drapeau du Canada qui possède un espace dédié aux entreprises Canadiennes et aux différentes provinces afin d’y présenter la qualité de ses produits. En arrivant sur place, j’aperçois M. Lamontagne, ministre de l’agriculture et des pêcheries du Québec qui s’apprête à faire une conférence de presse avec l’ensemble de ces homologues canadiens. Le ministre de l'Agriculture et des Pêches de l’Île-du-Prince-Édouard, M. Robert Henderson, qui accueillera la première usine au monde de ce saumon GM, prend la parole ainsi que M. Sean Casey, secrétaire parlementaire du ministre des Pêches du Canada lui aussi de l'Île-du-Prince-Édouard. Ils nous vantent la qualité des produits de la mer du Canada ouvert sur trois océans et invite à y faire des affaires. Cependant, aucune mention du saumon génétiquement modifié. Je pose donc la question aux deux Prince-Édouardiens est-ce que vous êtes « fier » d’avoir sur leur île la première usine d’un animal génétiquement modifié? Visiblement surpris, ils ont eu de la difficulté à cacher leur malaise surtout quand on sait que ce saumon n’est pas étiqueté puisque les libéraux ont voté contre l’étiquetage obligatoire des OGM en 2017.
J’aborde aussi M. Lamontagne pour lui dire que le Québec est le premier endroit au monde et le seule pour l’instant où l’on a consommé cet animal génétiquement modifié et qu’il est donc urgent que la CAQ respecte sa promesse électorale : mettre en place l’étiquetage obligatoire des OGM : la réponse fut évasive.
Dimanche 17 mars - 11 h00 : Je rejoins ma collègue Lucy Sharratt du Réseau Canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB). Dans la file d’attente se trouve la nouvelle directrice d’Aquabounty, Sylvia Wulf, accompagnée de Ronald Stotish, l’ancien directeur. Ne voulant pas rater l’occasion d’immortaliser ce moment,je les attends tous les deux , me présente comme coordinateur de Vigilance OGM et je dis que je reconnais M. Stotish suite à l’émission de La semaine verte sur le saumon OGM. Il me demande si j’ai apprécié l’émission et je lui réponds par l’affirmative. Pour sa part, il semble clairement ne pas l’avoir apprécié. Je leur demande si nous pouvons prendre une photo ensemble. Me voilà donc immortalisé avec la nouvelle directrice d’Aquabounty Mme Wulf par une photo prise par M. Stotish, quel « bonheur » !!
Aucun des deux ne semble me reconnaître ni avoir entendu parler de Vigilance OGM, le seul groupe qui a enquêté sur les importations de leur saumon GM, sachant que j’ai participé à des dizaines d’entrevues télévisées et radiophoniques depuis 2 ans.
Dimanche 17 mars – 11h30: Il me restait deux jours pour continuer de faire part de l’inquiétude des consommateurs à l’arrivée de ce premier animal GM au monde. J’ai profité du reste de la matinée pour visiter les différents pavillons des pays : Chili, Écosse, Japon, Norvège … afin de connaître leurs positions vis-à-vis de la commercialisation de ce saumon génétiquement modifié. Les responsables semblaient tous observer cette première de loin avec un mélange d’inquiétude mais parfois d’excitation face à cette technologie.
Dimanche 17 mars – 13h00: Je fais un tour des différentes entreprises qui évoluent dans le commerce et la transformation du saumon. Les opinions sur l’arrivée sur le marché de ce premier animal génétiquement modifié au monde variaient beaucoup. Une majorité me disait ne pas vouloir en vendre puisqu’il n’y avait pas de demande de leur consommateur mais ne fermait pas définitivement la porte, particulièrement si les prix devenaient attrayants. Une autre partie de l’industrie pensait que c’était l’avenir de la production de produits de la mer. En effet, après avoir pillé et vidé les océans de trop nombreuses espèces, les principaux coupables se disent que maintenant il faut produire des poissons sur terre et les modifiant pour qu’ils produisent plus vite ! C’est un exemple désolant de la vision destructrice à court terme de ce système capitaliste.
Dimanche 17 mars - 15h00: Écœuré, j’en ai profité pour aller à la rencontre des deux entreprises qui ont importé la première cargaison du saumon GM au Québec en 2017 : Montréal Fish Co. et Sea Delight Canada. Petit plaisir personnel de constater le malaise de ces entreprises qui ont vendu en toute discrétion ce saumon GM à l’insu des consommateurs Québécois et qui se sont fait prendre la main «dans le filet» grâce à notre travail d’enquête.
Lundi 18 mars - 10h00 : J’ai passé mon temps à participer à des conférences pour comprendre le monde des certifications et tenter de trouver des réponses aux questions suivantes : est-ce que le saumon génétiquement modifié allait pouvoir être certifié ? En l’absence d’étiquetage obligatoire des OGM en Amérique du Nord, allait-on continuer à cacher aux consommateurs ce qu’ils achètent ?
Une conférence m’a bien aidé dans cette recherche : WHAT CONSUMERS WANT: THE FUTURE OF SUSTAINABLE SEAFOOD, où GlobeScan, une société d'experts-conseils, y présentait une étude sur la perception des produits de la mer en Amérique du Nord. Par la suite, je suis allé visiter les kiosques des deux plus grandes certifications des produits de l’aquaculture soit Aquaculture Stewardship Council (ASC) et Best Aquaculture Practices (BAP). Voici de que j’ai appris à travers cette journée:
● La modification génétique est une grande préoccupation pour le consommateur et les produits sans OGM se classent au 7e rang pour ce qui est des facteurs influençant le choix des consommateurs.
● Il y a une demande croissante pour la durabilité que les consommateurs confondent avec certification.
● Les perceptions négatives de la modification génétique sont plus répandues en Europe et en Asie.
● Il existe 129 certifications de produits de la mer et principalement des certifications créées par l’industrie elle-même dans un mode «greenwashing».
● Aquaculture Stewardship Council (ASC), n'étiquettera pas ce saumon génétiquement modifié voir point 3.3.1.
● Best Aquaculture Practices (BAP) semble très favorable pour l’étiquetage du saumon GM et j’ai même surpris Sylvia Wulf d’Aquabounty en réunion avec des dirigeants de BAP.
En conclusion : La participation à ce genre d’événement est absolument nécessaire pour comprendre cette industrie : ses acteurs, ses orientations, ses craintes et ses stratégies. Plus que tout, notre présence permet surtout d’apporter la voix des citoyens et citoyennes qui sont inquiets face au manque de transparence de ce type d’industrie. Après avoir vidé les océans, constaté qu’une partie de l’industrie pense que la solution pour leur croissance peut venir de l’aquaculture terrestre de poissons génétiquement modifiés est très inquiétant et mérite d’être dénoncé. Si vous souhaitez que Vigilance OGM continue ce travail, appuyez-nous dès maintenant.