1. Le soya c’est quoi ?
Les graines de soya sont naturellement riches en protéine et en huile et sont utilisées autant dans l'alimentation humaine: tofu, lait, tempeh… que pour l’alimentation animale: farine ou tourteau. Avec une teneur en protéines brutes de l'ordre de 45 %, le soya présente un intérêt évident dans l'alimentation du bétail, en particulier celui nourri à partir de maïs-grain, 2e culture GM au monde, qui est naturellement assez pauvre en protéines. Les dérivés du soya (huile, lécithine) sont utilisés dans de nombreux produits transformés.
2 grandes variétés de soya
Il existe de nombreuses variétés de soya, elles se différenciant notamment par la couleur des graines, ou par la période de floraison. Les variétés de soya destinées aux animaux sont majoritairement des variétés dites noires ou sombres et sont majoritairement génétiquement modifiées (GM). Tandis que les variétés à destination de l’alimentation humaine sont dites jaunes ou claires et sont majoritairement non-GM. Cependant en l’absence d’étiquetage obligatoire des OGM, il est difficile de savoir si le tofu ou le lait de soya sont GM.
2. Qui produit du soya GM ?
En 2018, la moitié des cultures génétiquement modifiées (GM) dans le monde étaient du soya, soit 95,9 millions d'hectares. (1) Le soya est la plante GM par excellence, ainsi, environ 78 % du soya dans le monde sont GM. (2). Sans surprise, ce sont 4 des 5 grands producteurs mondiaux d’OGM qui produisent la majorité du soya GM. En 2018, les plus gros producteurs étaient par ordre décroissant: le Brésil (34,86 millions d'hectares), les États-Unis (34,08), l’Argentine (18,00), le Paraguay (3,35), le Canada (2,43), l’Uruguay (1.26) et la Bolivie (1.26).
Au Québec
Le Canada est le 4e plus gros producteur mondial d’OGM dans le monde. Nous sommes un véritable leader depuis l’arrivée des cultures OGM il y a plus de 20 ans, sa législation est très permissive et non transparente. En 2019, les surfaces ensemencées de culture GM au Québec légèrement diminué par rapport à 2018 soit 598 600 hectares.
Le pourcentage de culture de soya GM sur la totalité du soya cultivé au Québec, a quant à lui, légèrement diminué passant de 70,81 % en 2018 à 67,55 % en 2019.
Ainsi, il y a plus de 2 chances sur 3 qu’un champ de soya soit GM au Québec.
3. Pourquoi on le modifie ?
Vingt ans après leur arrivée sur le marché, 100 % des cultures GM de soya sont créés pour tolérer des herbicides tels que les herbicides à base de glyphosate (le RoundupReady de Monsanto) ou de glyphosinate (Liberty Link) (1). En 2018, soit le soya est génétiquement modifié pour tolérer uniquement des herbicides, c’est-à-dire 72,3 % des cas (soit 69,3 millions d'hectares), soit il est génétiquement modifié pour combiner une tolérance aux herbicides et une résistance aux insectes, dit caractères empilés, ce qui représente 27,7 % des cas avec 26,6 millions d'hectares. Ces dernières semences sont vendues sous le nom Intacta™ Roundup Ready™ 2 Pro.
Le soya n’est donc pas modifié pour profiter aux agriculteur·rice·s ou aux consommateur·rice·s, ni pour nourrir le monde, mais bien pour tolérer des herbicides.
Dans le cas du soya, les mêmes tendances sont constatées que dans les autres grandes cultures GM. Ainsi on y constate une tendance à la baisse des cultures résistantes aux herbicides au profit de celles dites à «caractères empilés» (1).
Le Canada a été, en 2012, le premier pays au monde à approuver du soya tolérant le dicamba (Monsanto) et le 2,4-D (Dow AgroSciences). Depuis 2 ans, un nouveau type de semences de soya GM, les soyas Roundup Ready 2 XtendMD de Monsanto, est arrivé sur le marché. Celui-ci tolère les herbicides à base de glyphosate, mais aussi le dicamba, un «vieil» herbicide résiduel à large spectre.
4. Problématiques
Dépendance aux pesticides
L’utilisation répandue des cultures de soya résistantes aux herbicides a engendré le développement de résistances et l’apparition de «super mauvaises herbes». Cela représente un véritable cercle vicieux pour l’utilisation des pesticides, dont les impacts sont importants pour l’environnement et pour les agriculteur·rice·s. La stratégie de l’industrie pour répondre à ces «super mauvaises herbes» consiste essentiellement à commercialiser de nouvelles cultures GM résistantes à d’autres herbicides, tels que le 2,4-D et le dicamba. Ces nouvelles variétés ne manqueront pas d’augmenter, à moyen terme, l’utilisation dU dicamba ou du 2-4 D comme cela a été le cas avec les pesticides à base de glyphosate.
Les malherbologistes considèrent que les nouvelles cultures tolérantes aux herbicides n’auront qu’une utilité restreinte, car il existe déjà de nombreuses mauvaises herbes résistantes à ces anciens herbicides. Il y a seize espèces de mauvaises herbes résistantes au 2,4-D dans le monde (dont quatre aux États-Unis et deux au Canada) (3), et six résistantes au dicamba (dont deux aux États-Unis et deux au Canada). Selon les scientifiques canadiens Hugh Beckie et Linda Hall, «les cultivars possédant des caractères empilés de tolérance aux herbicides (ex. glyphosate, glufosinate, dicamba ou 2,4-D) permettront une protection de courte durée contre les mauvaises herbes RH, mais perpétueront l’usage des intrants chimiques et le phénomène de sélection menant à l’émergence de mauvaises herbes capables de résister à plusieurs herbicides.» (4) En 2012, le commissaire à l’environnement de l’Ontario a publié une analyse qui parvenait à la conclusion suivante: «Si ces nouvelles plantes GM sont approuvées au Canada, l’Ontario pourrait assister au cours des prochaines années à une augmentation des applications de 2,4-D dans les champs ».(5)
Déforestation
Comme on l’a vu le Brésil est le plus grand producteur mondial de soya GM. En 2006, la culture du soya était responsable de 30 % de la déforestation en Amazonie brésilienne (3). En effet, entre 2000 et 2010, 24 millions d’hectares de forêts, de savanes et de prairies ont été convertis en pâturages pour le bétail, puis par la suite le soya y a été cultivé. Cette expansion de la production de soya s’est faite au détriment d’écosystèmes, la faune sauvage et des populations locales qui y vivent.(4) La culture du soya provoque aussi des conflits entre les petits exploitants et les grands propriétaires, lesquels utilisent des méthodes de culture hautement mécanisées et qui demandant peu de main-d'œuvre.
La région du Cerrado est actuellement le principal front de déforestation d’ Amérique du Sud et l’expansion de la culture du soya y est responsable de 66% des surfaces converties. (4). Sachant que le Cerrado abrite 5% des espèces de la planète, la déforestation menace la biodiversité. Les populations sont aussi impactées, à travers l’accaparement des terres, la récurrence des conflits entre producteur·rice·s de soya et communautés, ainsi que la pollution aux pesticides qu’engendre la culture intensive du soya GM. Cette déforestation a aussi un effet mondial important sur les changements climatiques puisque l’on considère qu’environ 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont dues à la déforestation (5).
Contamination
Le soya est considéré comme une plante à faible risque de contamination dans le champ, compte tenu de son faible taux de pollinisation croisée. En effet, «le soya est une espèce végétale presque exclusivement autogame, c'est-à-dire que le pollen dans une fleur pollinise le stigmate de cette même fleur. Le pollen se libère habituellement lorsque la fleur est encore fermée, ce qui diminue l’échange de matériel génétique entre les plants et, par conséquent, le taux de pollinisation croisée». (6) Il est donc encore possible de maintenir deux filières GM et non GM dans le cas du soya et ainsi éviter les impacts négatifs pour les agriculteurs, particulièrement en régis biologique.