1. L'utilisation des pesticides dans la culture de la pomme
La culture de la pomme utilise de nombreux pesticides. L'Environmental Working Group (EWG), un organisme à but non lucratif qui a pour mission de protéger la santé humaine et l’environnement, répertorie chaque année les 12 aliments les plus contaminés par les pesticides: les «Dirty Dozen». La pomme apparaît au quatrième rang de cette liste (2).
Au Québec, l’évaluation du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) 2018-2019 , a montré que sur 41 pommes testées, toutes en provenance du Québec, 68 % d’entre elles contenait des pesticides (9 résidus différents), mais aucune non-conforme (résidus et pesticides homologués). Elles respectaient donc les exigences de Santé Canada. (3)
2. Qui produit des pommes GM ?
C’est une petite entreprise canadienne de Colombie-Britannique, Okanagan Specialty Fruits, qui a mis au point la pomme génétiquement modifiée, la pomme Artic. Cette compagnie a été rachetée par Intrexon qui possède aussi Aquabounty, la compagnie produisant le saumon GM.
La pomme GM a reçu l’approbation des É.-U. le 13 février 2015, puis celle du Canada le 23 mars 2015. Il existe trois variétés autorisées de cette pomme GM, uniquement au Canada et aux É.-U., soit l’Arctic Golden Delicious, l’Arctic Granny Smith et l’Arctic Fuji.
En 2018, il n'y avait aucune production commerciale de pomme transgénique au Canada, mais on estime que 240 hectares de pommes OGM ont été plantés aux États-Unis. Approximativement, 79 000 tonnes d'Arctic Golden Delicious ont été récoltées en 2017 et ont été commercialisées, aux États-Unis, principalement sous forme de tranches de pommes fraîches emballées. (4) D'après la compagnie,des pommes GM ont été vendues en 2019 dans des services alimentaires au Canada et devraient être disponibles dans des épiceries en 2020.
Cette pomme génétiquement modifiée est le deuxième fruit GM commercialisé dans le monde, après la papaye en provenance d’Hawaii, et pourrait être le premier à être cultivé au Canada.
Au Canada depuis 2019
En 2019, quelque 8 millions de livres (3,6 millions de kg) de pommes de l'«Arctic» ont été produites pour le marché des États-Unis, avec des plans d'expansion des ventes dans le secteur de la restauration. (lien) En octobre 2019, la société (Okanagan Specialty Fruits) qui produit des pommes GM (Artic Apple) a annoncé : «Elles seront disponibles pour les établissements de restauration canadiens cette année».
Si vous ne souhaitez pas manger de pommes génétiquement modifiées, il est important de faire savoir à votre épicerie ou à vos marques préférées … que vous n’en voulez pas! Une des campagnes de Vigilance OGM est de faire adopter de meilleures politiques, plus transparentes, aux grandes chaînes d’épiceries. C’est à travers la sensibilisation et la mobilisation des citoyens que cette pomme pourra rester hors de nos assiettes.
Situation au Québec
Les producteurs de pommes du Québec s’étaient opposés à l’approbation de la pomme GM en 2015 craignant que cela nuise à l’ensemble du marché. (5) Sur les trois variétés de pommes GM autorisées pour la production au Canada, deux ne peuvent pas être cultivées au Québec pour des raisons climatiques (Granny Smith et Fuji). En effet, les hivers québécois sont trop froids pour que ces variétés de pommiers puissent survivre. Les vergers du Québec sont donc «protégés» de la contamination de ces variétés génétiquement modifiées pour le moment. La Golden Delicious, quant à elle, représente une très petite proportion de la production au Québec d’après l'association des producteurs de pommes du Québec.
Même si la compagnie annonce que les pommes GM fraiches seront identifiées sous le logo «Arctic», il ne sera pas indiqué «génétiquement modifiée». Il est difficile de croire que les jus, les pommes déjà tranchées ou autres produits issus de la pomme GM seront identifiés sans étiquetage obligatoire imposé par le gouvernement.
Décembre 2020: Fiche identité pomme GM tirée de classement sur la transparence
3. Pourquoi on la modifie ?
La pomme contient plusieurs enzymes, dont les polyphénols oxydases. Quand on coupe une pomme, on brise des cellules, ce qui libère ces polyphénols oxydases qui, une fois exposés à l’oxygène, produisent une réaction qui provoque le brunissement. Ce processus naturel n’a pas d’impact sur la valeur nutritionnelle ou le goût de la pomme.
Fausse impression de fraicheur
La compagnie Okanagan Specialty Fruits, qui produit la pomme Arctic, veut régler ce «problème» naturel en modifiant génétiquement la pomme pour qu’elle ne produise plus de polyphénol oxydase: c’est une pomme qui ne brunit pas ou très lentement.
Il n’y a pas de gain pour les consommateurs, mais seulement pour les industriels. En effet, ils peuvent faire passer une pomme GM tranchée de plusieurs jours pour une pomme «fraiche». La compagnie annonçait même sur son site internet que «les pommes Arctic sont plus attrayantes: aucun brunissement dégueulasse!» Merci donc de rendre nos pommes moins «dégueulasses»...
Solution naturelle
Encore une fois, cette solution «technologique» a pour objectif de régler un problème de l’industrie et non pas répondre à une demande des consommateur·rice·s, ni même des producteur·rice·s. Nul besoin de modifier génétiquement une pomme pour limiter son brunissement, il existe d’autres techniques telles que l’application de jus de citron, l’utilisation d’un sac «ziploc» ou le maintien des morceaux à l’aide d’un élastique une fois la pomme coupée. On peut aussi opter pour des variétés dont la chair ne brunit pas à l’air, comme la Cortland, idéale pour les salades! (6)
4. Problématiques
La pomme Arctic est l'une des très rares cultures GM qui ne visent pas à tolérer un herbicide, comme la papaye GM ou la pomme de terre GM. Cette pomme étant très peu cultivée (uniquement 240 hectares aux États-Unis soit 0,0001 % des surfaces GM du monde), il est trop tôt pour savoir ce que cette culture offrira comme avantage ou inconvénient à moyen et long terme pour les agriculteurs et les consommateurs. Cependant comme toutes les cultures GM, les pommes ont été évaluées via un processus non transparent qui ne garantit pas l’innocuité.
Perte de confiance
De plus, en l’absence d’étiquetage obligatoire des OGM au Québec, il sera impossible pour les consommateurs de savoir ce qu’ils achètent. C’est ce qui motive Vigilance OGM à faire adopter de meilleures politiques, plus transparentes, aux grandes chaînes d’épiceries via notre campagne épicerie.
Le consommateur pourrait aussi être plus méfiant face à ce fruit et moins le consommer. Cela pourrait ainsi entraîner des pertes économiques pour l’ensemble des producteurs de pommes du Québec et d’ailleurs au Canada. L’apport pour la santé que représente ce fruit n’est pas compatible avec la modification génétique pour une très grande majorité de la population.
Perte certification biologique
Compte tenu de la pollinisation croisée qui peut aller jusqu’à 4 km, distance parcourue par les abeilles depuis leurs ruches, le risque de contamination est grand dans les endroits où les pommiers GM seront cultivés. Les producteurs biologiques de la Vallée d’Okanagan sont très inquiets et craignent de perdre leur certification, entrainant des pertes financières qu’ils estiment à 4 000 000 $ par année (7) et de nombreuses pertes d’emplois dans le secteur.