Les pesticides sont de juridiction partagée entre le fédéral et le provincial. Il incombe aux provinces, dont le Québec, de réglementer la vente, l’entreposage, l’utilisation, le transport et l’élimination des pesticides. Au Québec, c’est principalement le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) qui est en charge du dossier des pesticides avec la Loi sur les pesticides ainsi que le Code de gestion des pesticides et le Règlement sur les permis et les certificats pour la vente et l’utilisation des pesticides qui découlent de cette loi. Le gouvernement peut restreindre et même interdire la vente de pesticides homologués par Santé Canada.
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcherie et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) gère des programmes, des subventions et fournit du service de deuxième ligne pour améliorer les performances agro-environnementales des agriculteurs (c’est-à-dire un travail en amont du conseil au producteur, le MAPAQ aide les agronomes terrains et donne des formations à des groupes de producteurs mais il ne donne pas de conseils directement à un agriculteur).
REVENDICATION 1 :
QUE LE MTESS RECONNAISSE RAPIDEMENT LES MALADIES PROFESSIONNELLES ASSOCIÉES À L'UTILISATION DES PESTICIDES
L’utilisation de pesticides comporte des risques. Les agriculteur.rice.s et leurs familles sont les personnes les plus exposées à ces risques. Puisque la majorité d’entre eux sont des travailleurs et des travailleuses autonomes, ils ne sont pas couverts par la CNESST. Il en est de même pour les travailleurs étrangers.
D’une façon générale, la littérature scientifique indépendante sur les effets des pesticides sur la santé grandie à une vitesse fulgurante. La dernière modification à la liste des maladies professionnelles date, elle, de 1985. Il est plus que temps de rajouter dans cette liste des maladies professionnelles celles liées à l’exposition des pesticides pour accompagner les agriculteurs et les agricultrices qui sont devenus malades en faisant leur travail. La France a franchit ce pas en 2012, en reconnaissant le Parkinson comme tel (1).
REVENDICATION 2 :
QUE LA JUSTIFICATION AGRONOMIQUE SOIT ÉMISE UNIQUEMENT PAR UN AGRONOME NON LIÉ À L'INDUSTRIE AGROCHIMIQUE
Au Québec, depuis des années, on a séparé les rôles de prescription de la vente des médicaments pour éviter les conflits d'intérêts. Le médecin ne vend donc pas les médicaments qu'il prescrit. Le contraire serait choquant, n'est-ce pas ?
Malheureusement, c'est encore le cas pour les agronomes, les « médecins » des cultures : ils prescrivent et vendent des pesticides.
Dès l’arrivée du système de prescription agronomique (2018), des observations ont montré que les agronomes liés avaient tendance à prescrire plus de pesticides que les agronomes non liés (2). Les agriculteurs et les agricultrices ont, de leurs côtés, peu d’incitatifs à se tourner vers un agronome non lié pour la prescription puisque celui-ci facture son temps - contrairement à l'agronome « vendeur » dont les honoraires sont inclus dans le prix de vente des pesticides et des semences.
REVENDICATION 3 :
QUE LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL INTERDISE LA VENTE DE PESTICIDES AUX PARTICULIERS
L’imaginaire de la « pelouse parfaite » est largement entretenu par les compagnies de l’agrochimie : c’est une vision lucrative pour les industriels puisque la lutte contre les pissenlits et autres « mauvaises herbes » est une lutte sans fin.
Les agriculteurs et les agricultrices ne sont donc pas les seuls utilisateurs de pesticides. Pelouse, fleurs ornementales d’intérieures ou d’extérieures, les particuliers les utilisent ; le plus souvent dans un cadre ponctuel. Malgré la dangerosité de ces produits, il n’y a pas de formation obligatoire pour leur utilisation en usage domestique. Les risques, eux, demeurent.
REVENDICATION 4 :
QUE LE GOUVERNEMENT RECONNAISSE LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES DANS TOUS LES PROGRAMMES FINANCIERS LIÉS À L'AGRICULTURE
Nous proposons de revoir le régime d’assurance stabilisation afin que les adhérents adoptent des mesures agroenvironnementales. En effet, si nous voulons voir des changements durables, il faut des changements en profondeur dans les programmes existants (qui ont mené au modèle agricole actuel). Il ne faut pas simplement créer des programmes de soutien supplémentaires comme le fait le Plan d’agriculture durable.
Notre revendication va dans le sens du rapport Pronovost : nous voulons que l’assurance stabilisation soit modulée en fonction « des pratiques qui donnent des résultats pour ce qui est de leur effet bénéfique sur le milieu biophysique, effet allant au-delà de l’écoconditionnalité [...] de la production de biens environnementaux spécifiques, compensés en proportion des pertes de revenus occasionnées ou d’investissements à réaliser pour les produire » (3).
REVENDICATION 5 :
QUE LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL INVESTISSE PLUS DANS LA RECHERCHE INDÉPENDANTE ET SURTOUT DANS LE TRANSFERT DE CONNAISSANCES AU SUJET DE LA RÉDUCTION DES PESTICIDES
Certains acteurs affirment qu’il y a plus de recherches de qualité en agronomie que nous n’avons les moyens d’en vulgariser et d’en transmettre aux agriculteurs.
Le goulot d’étranglement entre la recherche et l’application de nouvelles méthodes de réduction des pesticides serait donc au niveau du transfert de connaissances.
Un grand nombre de solutions et de techniques ont été mises au point par les centres de recherche publics du Québec afin de faire une meilleure gestion intégrée des ennemis des cultures et donc de réduire l’usage des pesticides.
REVENDICATION 6 :
QUE SOIT PUBLIÉ ANNUELLEMENT LE PORTRAIT COMPLET DES PESTICIDES PAR AGENT ACTIF ET FORMULE COMMERCIALE, EN FONCTION DU TYPE DE CULTURES ET DES ZONES GÉOGRAPHIQUES
Il est important d’avoir une vue détaillée de l’utilisation des pesticides au Québec. Le Bilan des ventes des pesticides au Québec, publié chaque année, comporte des lacunes. Il ne nous permet pas d’apprécier la quantité réelle de pesticides épandue, les différences entre les régions, ni même de bien évaluer tous les pesticides appliqués au Québec.
Le rapport de la CAPERN (4) avait mentionné de rendre ce type de données accessibles pour les chercheurs à minima. Pourtant, aucune recommandation officielle n’a été faite en ce sens.
REVENDICATION 7 :
QUE LES PESTICIDES AYANT LE PLUS D'IMPACT SUR LA SANTÉ ET L'ENVIRONNEMENT SOIENT AJOUTÉS À LA LISTE DES PESTICIDES NÉCESSITANT UNE PRESCRIPTION AGRONOMIQUE
Le simple fait d’exiger une prescription officielle pour les pesticides les plus à risques a fortement diminué la demande. Par exemple, en 2018, lorsque l’atrazine a été règlementée, les ventes ont diminué de 58,7%.
Ce mécanisme pourrait donc être élargi aux dix pesticides qui ont le plus d’impact sur l’indice de risque pour la santé et aux dix pesticides qui ont le plus d’impact sur l’indice de risque pour l’environnement. Puisque certains pesticides se retrouvent dans les deux listes (le S-métolachlore et l’atrazine) et que certaines sont déjà sous-réglementées, nous arrivons donc à 16 nouvelles matières actives à mettre sous prescription (5).
REVENDICATION 8 :
QUE LE GOUVERNEMENT DÉVELOPPE ET METTE EN PLACE UN SYSTÈME D'ÉTIQUETAGE OBLIGATOIRE DES OGM
Aujourd’hui, toutes les cultures génétiquement modifiées (GM) semées au Québec sont faites pour tolérer un ou plusieurs herbicides. La culture des OGM est donc intimement liée à l’utilisation (et même la surutilisation) des pesticides.
L’étiquetage obligatoire permettrait aux citoyens et aux citoyennes d’encourager ou non ce type d’agriculture. Le droit de savoir ce que contiennent nos assiettes est un droit fondamental sur lequel les différents pays du monde se sont basés afin de mettre en place l’étiquetage obligatoire des OGM.
C’est aussi ce qui doit motiver le gouvernement du Québec à le mettre en place.
REVENDICATION 9 :
QUE L'UTILISATION PRÉVENTIVE D'INSECTICIDES SOIT INTERDITE, ENTRE AUTRES LES ENROBAGES DES SEMENCES AUX NÉONICOTINOÏDES
De plus en plus, l’utilisation des pesticides se fait de manière préventive. Dans cette lignée, on a commencé à enrober les semences de pesticides, notamment de la classe des néonicotinoïdes - les fameux « tueurs d’abeilles ».
Résultat : les agriculteur.rice.s n’interviennent plus en cas de besoin, mais de façon systématique. Ce système est particulièrement encouragé par le système d’assurance actuel, qu’il faudrait donc modifier.
Aujourd’hui, trouver des semences sans pesticides devient un enjeu : ces semences se font plus rares sur le marché ou ne sont plus disponibles à longueur d’année.
Pourtant, l’utilisation de pesticides en prophylaxie (en prévention) est un non sens : des études révèlent que leur utilisation est souvent inutile. On peut citer dans ce sens le mémoire de Luc Brodeur, agronome fondateur de PRISME qui parle de « l’effet pernicieux des traitements pesticides appliqués en prévention [qui] masquent la réalité, et [qui] quand il n’y a pas de pertes [se voient attribuer] tout le mérite, même s’ils sont inutiles ».
Dans la situation actuelle de perte massive de la biodiversité, il devient urgent de mettre tout en oeuvre pour interdire et décourager l’utilisation d’insecticides de manière préventive.
REVENDICATION 10 :
QUE LE GOUVERNEMENT SOUTIENNE NOS AGRICULTEUR.RICE.S AVEC ÉQUITÉ FACE À LA CONCURRENCE MONDIALE
Les denrées agricoles ne sont pas des marchandises économiques comme les autres. Elles répondent d’abord et avant tout au droit fondamental à l’alimentation. Toutefois, avec la mondialisation, les producteur.rice.s doivent rester compétitif.ve.s. Dans ce contexte, les nouvelles normes sociales et environnementales sont souvent perçues comme un frein à la compétitivité mondiale.
Les principaux moyens pour soutenir notre agriculture avec équité face au marché mondialisé reposent sur un meilleur financement de l’agriculture, le développement de techniques innovantes et rentables, ainsi que la mise en place de contraintes sur nos importations pour qu’elles respectent nos normes sociales et environnementales. Le gouvernement doit protéger nos agriculteur.rice.s des dérives de la mondialisation.
(1) INRS. RA 58. Eléments de bibliographie scientifique - Tableaux des maladies professionnelles [Internet]. INRS - Santé sécurité au travail. 2020 [cité 5 oct 2020].
(2) Ministère de l’Environnement, de la lutte aux contre les changements climatique. Bilan des ventes de pesticides au Québec - Année 2018. Québec. 2020;81
(3) Pronovost J. Agriculture et agroalimentaire - assurer et bâtir l’avenir. Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois; 2008 p. 274. (Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois).
(4) Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’alimentation et des ressources naturelles. EXAMINER LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR LA SANTÉ PUBLIQUE ET L’ENVIRONNEMENT, AINSI QUE LES PRATIQUES DE REMPLACEMENT INNOVANTES DISPONIBLES ET À VENIR DANS LES SECTEURS DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION, ET CE EN RECONNAISSANCE DE LA COMPÉTITIVITÉ DU SECTEUR AGROALIMENTAIRE QUÉBÉCOIS. 2020;39.
(5) Ministère de l’Environnement, de la lutte aux contre les changements climatique. Bilan des ventes de pesticides au Québec - Année 2018. Québec. 2020;81.